• Caprice d'un pinceau fantasque
    Et d'un impérial loisir,
    Votre fellah, sphinx qui se masque,
    Propose une énigme au désir.

    C'est une mode bien austère
    Que ce masque et cet habit long,
    Elle intrigue par son mystère
    Tous les Oedipes du salon.

    L'antique Isis légua son voile
    Aux modernes filles du Nil ;
    Mais, sous le bandeau, deux étoiles...

  • A la morne Chartreuse, entre des murs de pierre,
    En place de jardin l'on voit un cimetière,
    Un cimetière nu comme un sillon fauché,
    Sans croix, sans monument, sans tertre qui se hausse :
    L'oubli couvre le nom, l'herbe couvre la fosse ;
    La mère ignorerait où son fils est couché.

    Les végétations maladives du cloître
    Seules sur ce terrain peuvent...

  • Maintenant, dans la plaine ou bien dans la montagne,
    Chêne ou sapin, un arbre est en train de pousser,
    En France, en Amérique, en Turquie, en Espagne,
    Un arbre sous lequel un jour je puis passer.

    Maintenant, sur le seuil d'une pauvre chaumière,
    Une femme, du pied agitant un berceau,
    Sans se douter qu'elle est la parque filandière,
    Allonge entre ses...

  • On voit dans le Musée antique,
    Sur un lit de marbre sculpté,
    Une statue énigmatique
    D'une inquiétante beauté.

    Est-ce un jeune homme ? est-ce une femme,
    Une déesse, ou bien un dieu ?
    L'amour, ayant peur d'être infâme,
    Hésite et suspend son aveu.

    Dans sa pose malicieuse,
    Elle s'étend, le dos tourné
    Devant la foule curieuse,
    Sur...

  • Cette vieille sorcière habitait une hutte,
    Accroupie au penchant d'un maigre tertre, en butte
    L'été comme l'hiver au choc des quatre vents ;
    - Le chardon aux longs dards, l'ortie et le lierre
    S'étendent à l'entour en nappe irrégulière,
    L'herbe y pend à foison ses panaches mouvants,
    Par les fentes du toit, par les brèches des voûtes
    Sans obstacle...

  • Un jupon serré sur les hanches,
    Un peigne énorme à son chignon,
    Jambe nerveuse et pied mignon,
    Oeil de feu, teint pâle et dents blanches ;
    Alza ! olà !
    Voilà
    La véritable manola.

    Gestes hardis, libre parole,
    Sel et piment à pleine main,
    Oubli parfait du lendemain,
    Amour fantasque et grâce folle ;
    Alza ! olà !
    Voilà
    ...

  • La plaine un jour disait à la montagne oisive :
    " Rien ne vient sur ton front des vents toujours battu ! "
    Au poète, courbé sur sa lyre pensive,
    La foule aussi disait : " Rêveur, à quoi sers-tu ? "

    La montagne en courroux répondit à la plaine :
    " C'est moi qui fais germer les moissons sur ton sol ;
    Du midi dévorant je tempère l'haleine ;
    J'arrête...

  • Les marronniers de la terrasse
    Vont bientôt fleurir, à Saint-Jean,
    La villa d'où la vue embrasse
    Tant de monts bleus coiffés d'argent.

    La feuille, hier encor pliée
    Dans son étroit corset d'hiver,
    Met sur la branche déliée
    Les premières touches de vert.

    Mais en vain le soleil excite
    La sève des rameaux trop lents ;
    La fleur...

  • Sur le Guadalquivir, en sortant de Séville,
    Quand l'oeil à l'horizon se tourne avec regret,
    Les dômes, les clochers font comme une forêt :
    A chaque tour de roue il surgit une aiguille.

    D'abord la Giralda, dont l'angle d'or scintille,
    Rose dans le ciel bleu darde son minaret ;
    La cathédrale énorme à son tour apparaît
    Par-dessus les maisons, qui vont...

  • Étoiles, qui d'en haut voyez valser les mondes,
    Faites pleuvoir sur moi, de vos paupières blondes,
    Vos pleurs de diamant ;
    Lune, lis de la nuit, fleur du divin parterre,
    Verse-moi tes rayons, ô blanche solitaire,
    Du fond du firmament !

    Oeil ouvert sans repos au milieu de l'espace,
    Perce, soleil puissant, ce nuage qui passe !
    Que je te voie...