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    Qu’elle me plaît, en son costume antique,
    Cette beauté, blanche sur un fond noir,
    Rêve d’amour qu’un pinceau poétique
    Cache à demi, pour mieux la faire voir !

    On n’aperçoit de toute la figure
    Qu’un bras superbe et qu’un profil perdu ;
    Mais si charmant, si parfait, qu’on augure
    Bien des trésors dans ce sous-entendu !

    Un lourd chignon...

  • D’APRÈS UNE EAU-FORTE DE LEYS

    Une ville gothique, avec tout son détail,
    Pignons, clochers et tours, forme la perspective ;
    Par les portes s’élance une foule hâtive,
    Car déjà le printemps des prés verdit l’émail.

    Le bourgeois s’endimanche et quitte son travail ;
    L’amoureux par le doigt tient l’amante craintive,
    D’une...

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    La rosée arrondie en perles
    Scintille aux pointes du gazon ;
    Les chardonnerets et les merles
    Chantent à l’envi leur chanson ;

    Les fleurs de leurs paillettes blanches
    Brodent le bord vert du chemin ;
    Un vent léger courbe les branches
    Du chèvrefeuille et du jasmin ;

    Et la lune, vaisseau d’agate,
    Sur les vagues des rochers bleus...

  • À travers la forêt de folles arabesques
    Que le doigt du sommeil trace au mur de mes nuits,
    Je vis, comme l’on voit les Fortunes des fresques,
    Un jeune homme penché sur la bouche d’un puits.

    Il jetait, par grands tas, dans cette gueule noire
    Perles et diamants, rubis et sequins d’or,
    Pour faire arriver l’eau jusqu’à sa lèvre, et boire ;
    Mais le flot...

  • Enfant, doublement applaudie,
    Tu chantes et tu fais des vers ;
    Et ton masque de tragédie
    Est couronné de lauriers verts.

    Type charmant et pur dont le ciel est avare,
    Et que d’un fin crayon l’artiste copia,
    Scribe salue en vous sa reine de Navarre,
    Musset sa Marianne, et Belloy sa Pia.

    Ce livre, où j’ai mis des Camées
    Sculptés...

  • Ainsi qu’une capote anglaise
    Dans laquelle on a déchargé,
    Comme le gland d’un vieux qui baise,
    Flotte son téton ravagé.

    Vingt couches, autant de véroles,
    Ont couturé son ventre affreux,
    Hideux amas de tripes molles
    Où d'ennui bâille un trou glaireux.

    Comme la merde à la moustache
    D’un rat qui dîne à Montfaucon,
    Le foutre en verts...

  • Moi, je suis Béhémot, l’éléphant, le colosse.
    Mon dos prodigieux, dans la plaine, fait bosse
                    Comme le dos d’un mont.
    Je suis une montagne animée et qui marche :
    Au déluge, je fis presque chavirer l’arche,
    Et quand j’y mis le pied, l’eau monta jusqu’au pont.

    Je porte, en me jouant, des tours sur mon épaule ;
    Les murs tombent broyés...

  • J’ai quitté pour un an la campagne : — le chaume
    Était jaune ; les champs n’avaient plus cet arome
    Que leur donnent en juin les fleurs et le foin vert,
    Et l’on sentait déjà comme un frisson d’hiver.
    — La campagne, c’est bon l’été. — L’on se promène,
    On marche à travers champs comme le pied vous mène,
    Se fiant au hasard des sentiers onduleux.
    À la...

  • Voici ce que j’ai vu naguère en mon sommeil :
    Le couchant enflammait à l’horizon vermeil
    Les carreaux de la ville ; et moi, sous les arcades
    D’un bois profond, au bruit du vent et des cascades,
    Aux chansons des oiseaux, j’allais, foulant des fleurs
    Qu’un arc-en-ciel teignait de changeantes couleurs.
    Soudain des pas légers froissent l’herbe ; une femme,...

  • Il est des cœurs épris du triste amour du laid.
    Tu fus un de ceux-là, peintre à la rude brosse
    Que Naple a salué du nom d’Espagnolet.

    Rien ne put amollir ton âpreté féroce,
    Et le splendide azur du ciel italien
    N’a laissé nul reflet dans ta peinture atroce.

    Chez toi, l’on voit toujours le noir Valencien,
    Paysan hasardeux, mendiant équivoque,
    ...