• Au vieux palais des Tuileries,
    Chargé déjà d’un grand destin,
    Parmi le luxe et les féeries
    Un Enfant est né ce matin.

    Aux premiers rayons de l’aurore,
    Dans les rougeurs de l’Orient,
    Quand la ville dormait encore,
    Il est venu, frais et riant,

    Faisant oublier à sa mère
    Les croix de la maternité,
    Et réalisant la chimère
    Du...

  • Il se peut qu’au Musée on aime une statue,
    Un secret idéal par Phidias sculpté :
    Entre elle et vous il naît comme une intimité ;
    Vous venez, la déesse à vous voir s’habitue.

    Elle est là, devant vous, de sa blancheur vêtue,
    Et parfois on oublie, admirant sa beauté,
    La neigeuse froideur de la divinité
    Qui, de son regard blanc, trouble, fascine et tue...

  •  

    La bruine toujours pleure
    Sur notre sol consterné ;
    Le soleil piteux demeure
    De brouillards enfariné.

    La neige, fourrure blanche,
    Ourle le rebord des toits ;
    Elle poudre chaque branche
    De la perruque des bois.

    Sous son linceul elle enferme
    Les plus lointains horizons ;
    À la barbe du Dieu Terme
    Elle suspend des glaçons...

  • J’ai dans ma chambre une aquarelle
    Bizarre, et d’un peintre avec qui
    Mètre et rime sont en querelle,
    — Théophile Kniatowski.

    Sur l’écume blanche qui frange
    Le manteau glauque de la mer
    Se groupent en bouquet étrange
    Trois nymphes, fleurs du gouffre amer.

    Comme des lis noyés, la houle
    Fait dans sa volute d’argent
    Danser leurs beaux...

  • Sur un quartier de roche, un fantôme de marbre,
    Le menton dans la main et le coude au genou,
    Les pieds pris dans le sol, ainsi que des pieds d’arbre,
    Pleure éternellement sans relever le cou.

    Quel chagrin pèse donc sur ta tête abattue ?
    À quel puits de douleurs tes yeux puisent-ils l’eau ?
    Et que souffres-tu donc dans ton cœur de statue,
    Pour que ton...

  • Nombril, je t'aime, astre du ventre.
    Œil blanc dans le marbre sculpté,
    Et que l'Amour a mis au centre
    Du sanctuaire où seul il entre,
    Comme un cachet de volupté.

  • Pour oublier le reste, et m’oublier moi-même
    (Ici-bas être heureux c’est oublier), que j’aime,
    Loin du monde et du bruit, au fond de son boudoir,
    Sur l’ottomane souple auprès d’elle m’asseoir !
    — Cela me fait du bien et me repose l’âme.
    Quel plaisir ! — Respirer cet arome de femme,
    Rester là sans penser et paresseusement
    Accepter comme il vient le...

  • Sur cette place je m’ennuie,
    Obélisque dépareillé ;
    Neige, givre, bruine et pluie
    Glacent mon flanc déjà rouillé ;

    Et ma vieille aiguille, rougie
    Aux fournaises d’un ciel de feu,
    Prend des pâleurs de nostalgie
    Dans cet air qui n’est jamais bleu.

    Devant les colosses moroses
    Et les pylônes de Luxor,
    Près de mon frère aux teintes...

  •  

    I.

    Las de ce calme plat où d’avance fanées,
    Comme une eau qui s’endort, croupissent nos années ;
    Las d’étouffer ma vie en un salon étroit,
    Avec de jeunes fats et des femmes frivoles,
    Echangeant sans profit de banales paroles ;
    Las de toucher toujours mon horizon du doigt.

    Pour me refaire au grand et me rélargir l’âme,
    Ton livre dans ma...

  • Le ciel est noir, la terre est blanche ;
    — Cloches, carillonnez gaîment ! —
    Jésus est né ; — la Vierge penche
    Sur lui son visage charmant.

    Pas de courtines festonnées
    Pour préserver l’enfant du froid ;
    Rien que les toiles d’araignées
    Qui pendent des poutres du toit.

    Il tremble sur la paille fraîche,
    Ce cher petit enfant Jésus,
    Et...