• Une pitié me prend quand à part moi je songe
    À cette ambition terrible qui nous ronge
    De faire parmi tous reluire notre nom,
    De ne voir s’élever par-dessus nous personne,
    D’avoir vivant encor le nimbe et la couronne,
    D’être salué grand comme Gœthe ou Byron.

    Les peintres jusqu’au soir courbés sur leurs palettes,
    Les Amphions frappant leurs claviers,...

  •  

    Parfois, une déesse pose
    (Hébert du moins s’en est vanté),
    Entr’ouvrant son voile argenté
    Dans un reflet de apothéose.

    Votre portrait prouve la chose
    Par son air de divinité ;
    César y mit la majesté,
    Et Vénus le sourire rose.

    Des perles à l’éclat tremblant
    Ruissellent sur votre col blanc
    Comme des gouttes de lumière.

    ...
  •                 Sur la bruyère arrosée
                              De rosée ;
                    Sur le buisson d’églantier ;
                    Sur les ombreuses futaies ;
                              Sur les haies
                    Croissant au bord du sentier ;

                    Sur la modeste et petite
                              Marguerite,...

  • Avant d’abandonner à tout jamais ce globe,
    Pour aller voir là-haut ce que Dieu nous dérobe,
    Et de faire à mon tour au pays inconnu
    Ce voyage dont nul n’est encor revenu,
    J’ai voulu visiter les cités et les hommes,
    Et connaître l’aspect de ce monde où nous sommes.
    Depuis mes jeunes ans d’un grand désir épris,
    J’étouffais à l’étroit dans ce vaste Paris...

  • Voilà longtemps que je vous aime :
    — L’aveu remonte à dix-huit ans ! —
    Vous êtes rose, je suis blême ;
    J’ai les hivers, vous les printemps.

    Des lilas blancs de cimetière
    Près de mes tempes ont fleuri ;
    J’aurai bientôt la touffe entière
    Pour ombrager mon front flétri.

    Mon soleil pâli qui décline
    Va disparaître à l’horizon,
    Et sur la...

  • Dans la forêt chauve et rouillée
    Il ne reste plus au rameau
    Qu’une pauvre feuille oubliée,
    Rien qu’une feuille et qu’un oiseau.

    Il ne reste plus dans mon âme
    Qu’un seul amour pour y chanter,
    Mais le vent d’automne qui brame
    Ne permet pas de l’écouter.

    L’oiseau s’en va, la feuille tombe,
    L’amour s’éteint, car c’est l’hiver.
    Petit...

  • Comme la vie est faite ! et que le train du monde
    Nous pousse aveuglément en des chemins divers !
    Pareil au Juif maudit, l’un, par tout l’univers,
    Promène sans repos sa course vagabonde ;

    L’autre, vrai docteur Faust, baigné d’ombre profonde,
    Auprès de sa croisée étroite, à carreaux verts,
    Poursuit de son fauteuil quelques rêves amers,
    Et dans l’âme...

  • Ce n’était, l’an passé, qu’une enfant blanche et blonde
    Dont l’œil bleu, transparent et calme comme l’onde
    Du lac qui réfléchit le ciel riant d’été,
    N’exprimait que bonheur et naïve gaîté.

    Que j’aimais dans le parc la voir sur la pelouse
    Parmi ses jeunes sœurs courir, voler, jalouse
    D’arriver la première ! Avec grâce les vents
    Berçaient de ses...

  • Après l’autel sculpté, le Moïse célèbre,
    Et le saint Jean de Dieu sous sa charge funèbre,
    À Séville on fait voir, dans le grand hôpital,
    Deux tableaux singuliers de Juan Valdès Léal.

    Ce Valdès possédait, Young de la peinture,
    Les secrets de la mort et de la sépulture ;
    Comme le Titien les splendides couleurs,
    Il aimait les tons verts, les blafardes...

  • Tout amoureux, de sa maîtresse,
    Sur son cœur ou dans son tiroir,
    Possède un gage qu’il caresse
    Aux jours de regret ou d’espoir.

    L’un d’une chevelure noire,
    Par un sourire encouragé,
    A pris une boucle que moire
    Un reflet bleu d’aile de geai.

    L’autre a, sur un cou blanc qui ploie,
    Coupé par derrière un flocon
    Retors et fin comme la...