• Tu me proposes, fenêtre étrange, d'attendre ;
    déjà presque bouge ton rideau beige.
    Devrais-je, ô fenêtre, à ton invite me rendre ?
    Ou me défendre, fenêtre ? Qui attendrais-je ?

    Ne suis-je intact, avec cette vie qui écoute,
    avec ce coeur tout plein que la perte complète ?
    Avec cette route qui passe devant, et le doute
    que tu puisses donner ce trop...

  • Vois-tu venir sur le chemin la lente, l'heureuse,
    celle que l'on envie, la promeneuse ?
    Au tournant de la route il faudrait qu'elle soit
    saluée par de beaux messieurs d'autrefois.

    Sous son ombrelle, avec une grâce passive,
    elle exploite la tendre alternative :
    s'effaçant un instant à la trop brusque lumière,
    elle ramène l'ombre dont elle s'éclaire.

  • L'aurai-je exprimé, avant de m'en aller,
    ce coeur qui, tourmenté, consent à être ?
    Étonnement sans fin, qui fus mon maître,
    jusqu'à la fin t'aurai-je imité ?

    Mais tout surpasse comme un jour d'été
    le tendre geste qui trop tard admire ;
    dans nos paroles écloses, qui respire
    le pur parfum d'identité ?

    Et cette belle qui s'en va, comment...

  • Vois-tu, là-haut, ces alpages des anges
    entre les sombres sapins ?
    Presque célestes, à la lumière étrange,
    ils semblent plus que loin.

    Mais dans la claire vallée et jusques aux crêtes,
    quel trésor aérien !
    Tout ce qui flotte dans l'air et qui s'y reflète
    entrera dans ton vin.

  • Été : être pour quelques jours
    le contemporain des roses ;
    respirer ce qui flotte autour
    de leurs âmes écloses.

    Faire de chacune qui se meurt
    une confidente,
    et survivre à cette soeur
    en d'autres roses absente.

  • Dis-moi, rose, d'où vient
    qu'en toi-même enclose,
    ta lente essence impose
    à cet espace en prose
    tous ces transports aériens ?

    Combien de fois cet air
    prétend que les choses le trouent,
    ou, avec une moue,
    il se montre amer.
    Tandis qu'autour de ta chair,
    rose, il fait la roue.

  • Fenêtre, qu'on cherche souvent
    pour ajouter à la chambre comptée
    tous les grands nombres indomptés
    que la nuit va multipliant.

    Fenêtre, où autrefois était assise
    celle qui, en guise de tendresse,
    faisait un lent travail qui baisse
    et immobilise ...

    Fenêtre, dont une image bue
    dans la claire carafe germe.
    Boucle qui ferme...

  • Tout se passe à peu près comme
    si l'on reprochait à la pomme
    d'être bonne à manger.
    Mais il reste d'autres dangers.

    Celui de la laisser sur l'arbre,
    celui de la sculpter en marbre,
    et le dernier, le pire :
    de lui en vouloir d'être en cire.

  • Les tours, les chaumières, les murs,
    même ce sol qu'on désigne
    au bonheur de la vigne,
    ont le caractère dur.

    Mais la lumière qui prêche
    douceur à cette austérité
    fait une surface de pêche
    à toutes ces choses comblées.

  • Le silence uni de l'hiver
    est remplacé dans l'air
    par un silence à ramage ;
    chaque voix qui accourt
    y ajoute un contour,
    y parfait une image.

    Et tout cela n'est que le fond
    de ce qui serait l'action
    de notre coeur qui surpasse
    le multiple dessin
    de ce silence plein
    d'inexprimable audace.