• Dans la multiple rencontre
    faisons à tout sa part,
    afin que l'ordre se montre
    parmi les propos du hasard.

    Tout autour veut qu'on l'écoute -,
    écoutons jusqu'au bout ;
    car le verger et la route
    c'est toujours nous !

  • Ô la biche : quel bel intérieur
    d'anciennes forêts dans tes yeux abonde ;
    combien de confiance ronde
    mêlée à combien de peur.

    Tout cela, porté par la vive
    gracilité de tes bonds.
    Mais jamais rien n'arrive
    à cette impossessive
    ignorance de ton front.

  • Au midi vide qui dort
    combien de fois elle passe,
    sans laisser à la terrasse
    le moindre soupçon d'un corps.

    Mais si la nature la sent,
    l'habitude de l'invisible
    rend une clarté terrible
    à son doux contour apparent.

  • Entre le masque de brume
    et celui de verdure,
    voici le moment sublime où la nature
    se montre davantage que de coutume.

    Ah, la belle ! Regardez son épaule
    et cette claire franchise qui ose ...
    Bientôt de nouveau elle jouera un rôle
    dans la pièce touffue que l'été compose.

  • Vers quel soleil gravitent
    tant de désirs pesants ?
    De cette ardeur que vous dites,
    où est le firmament ?

    Pour l'un à l'autre nous plaire,
    faut-il tant appuyer ?
    Soyons légers et légères
    à la terre remuée
    par tant de forces contraires.

    Regardez bien le verger :
    c'est inévitable qu'il pèse ;
    pourtant de ce même malaise...

  • C'est le paysage longtemps, c'est une cloche,
    c'est du soir la délivrance si pure -;
    mais tout cela en nous prépare l'approche
    d'une nouvelle, d'une tendre figure ...

    Ainsi nous vivons dans un embarras très étrange
    entre l'arc lointain et la trop pénétrante flèche :
    entre le monde trop vague pour saisir l'ange
    et Celle qui, par trop de présence, l...

  • Ô nostalgie des lieux qui n'étaient point
    assez aimés à l'heure passagère,
    que je voudrais leur rendre de loin
    le geste oublié, l'action supplémentaire !

    Revenir sur mes pas, refaire doucement
    - et cette fois, seul - tel voyage,
    rester à la fontaine davantage,
    toucher cet arbre, caresser ce banc...

    Monter à la chapelle solitaire
    ...

  • Une rose seule, c'est toutes les roses
    et celle-ci : l'irremplaçable,
    le parfait, le souple vocable
    encadré par le texte des choses.

    Comment jamais dire sans elle
    ce que furent nos espérances,
    et les tendres intermittences
    dans la partance continuelle.

  • Ce soir mon coeur fait chanter
    des anges qui se souviennent...
    Une voix, presque mienne,
    par trop de silence tentée,

    monte et se décide
    à ne plus revenir ;
    tendre et intrépide,
    à quoi va-t-elle s'unir ?

  • Si l'on chante un dieu,
    ce dieu vous rend son silence.
    Nul de nous ne s'avance
    que vers un dieu silencieux.

    Cet imperceptible échange
    qui nous fait frémir,
    devient l'héritage d'un ange
    sans nous appartenir.