• Douce courbe le long du lierre,
    chemin distrait qu'arrêtent des chèvres ;
    belle lumière qu'un orfèvre
    voudrait entourer d'une pierre.

    Peuplier, à sa place juste,
    qui oppose sa verticale
    à la lente verdure robuste
    qui s'étire et qui s'étale.

  • Beau papillon près du sol,
    à l'attentive nature
    montrant les enluminures
    de son livre de vol.

    Un autre se ferme au bord
    de la fleur qu'on respire - :
    ce n'est pas le moment de lire.
    Et tant d'autres encor,

    de menus bleus, s'éparpillent,
    flottants et voletants,
    comme de bleues brindilles
    d'une lettre d'amour au vent,...

  • Puisque tout passe, faisons
    la mélodie passagère ;
    celle qui nous désaltère,
    aura de nous raison.

    Chantons ce qui nous quitte
    avec amour et art ;
    soyons plus vite
    que le rapide départ.

  • Un rose mauve dans les hautes herbes,
    un gris soumis, la vigne alignée ...
    Mais au-dessus des pentes, la superbe
    d'un ciel qui reçoit, d'un ciel princier.

    Ardent pays qui noblement s'étage
    vers ce grand ciel qui noblement comprend
    qu'un dur passé à tout jamais s'engage
    à être vigoureux et vigilant.

  • Je te vois, rose, livre entrebâillé,
    qui contient tant de pages
    de bonheur détaillé
    qu'on ne lira jamais. Livre-mage,

    qui s'ouvre au vent et qui peut être lu
    les yeux fermés ...,
    dont les papillons sortent confus
    d'avoir eu les mêmes idées.

  • C'est presque l'invisible qui luit
    au-dessus de la pente ailée ;
    il reste un peu d'une claire nuit
    à ce jour en argent mêlée.

    Vois, la lumière ne pèse point
    sur ces obéissants contours
    et, là-bas, ces hameaux, d'être loin,
    quelqu'un les console toujours.

  • Ô bonheur de l'été : le carillon tinte
    puisque dimanche est en vue ;
    et la chaleur qui travaille sent l'absinthe
    autour de la vigne crépue.

    Même à la forte torpeur les ondes alertes
    courent le long du chemin.
    Dans cette franche contrée, aux forces ouvertes,
    comme le dimanche est certain !

  • Peut-être que si j'ai osé t'écrire,
    langue prêtée, c'était pour employer
    ce nom rustique dont l'unique empire
    me tourmentait depuis toujours : Verger.

    Pauvre poète qui doit élire
    pour dire tout ce que ce nom comprend,
    un à peu près trop vague qui chavire,
    ou pire : la clôture qui défend.

    Verger : ô privilège d'une lyre
    de pouvoir te...

  • Laissez-moi dormir, encore... C'est la trêve
    pendant de longs combats promise au dormeur ;
    je guette dans mon coeur la lune qui se lève,
    bientôt il ne fera plus si sombre dans mon coeur.

    Ô mort provisoire, douceur qui nous achève,
    mesure de mes cimes, très juste profondeur,
    limbes de tout mon sang, et innocence des sèves,
    dans toi, à sa racine, ma...

  • Souvent au-devant de nous
    l'âme-oiseau s'élance ;
    c'est un ciel plus doux
    qui déjà la balance,

    pendant que nous marchons
    sous des nuées épaisses.
    Tout en peinant, profitons
    de son ardente adresse.