• Qui voudra voir tout ce qu'ont pu nature,
    L'art et le ciel, Rome, te vienne voir :
    J'entends s'il peut ta grandeur concevoir
    Par ce qui n'est que ta morte peinture.

    Rome n'est plus : et si l'architecture
    Quelque ombre encor de Rome fait revoir,
    C'est comme un corps par magique savoir
    Tiré de nuit hors de sa sépulture.

    Le corps de Rome en...

  • De votre Dianet (de votre nom j'appelle
    Votre maison d'Anet) la belle architecture,
    Les marbres animés, la vivante peinture,
    Qui la font estimer des maisons la plus belle :

    Les beaux lambris dorés, la luisante chapelle,
    Les superbes donjons, la riche couverture,
    Le jardin tapissé d'éternelle verdure,
    Et la vive fontaine à la source immortelle :
    ...

  • Comte, qui ne fis onc compte de la grandeur,
    Ton Du Bellay n'est plus : ce n'est plus qu'une souche
    Qui dessus un ruisseau d'un dos courbé se couche,
    Et n'a plus rien de vif, qu'un petit de verdeur.

    Si j'écris quelquefois, je n'écris point d'ardeur,
    J'écris naïvement tout ce qu'au coeur me touche,
    Soit de bien, soit de mal, comme il vient à la bouche,
    ...

  • Si pour avoir passé sans crime sa jeunesse,
    Si pour n'avoir d'usure enrichi sa maison,
    Si pour n'avoir commis homicide ou trahison,
    Si pour n'avoir usé de mauvaise finesse,

    Si pour n'avoir jamais violé sa promesse,
    On se doit réjouir en l'arrière-saison,
    Je dois à l'avenir, si j'ai quelque raison,
    D'un grand contentement consoler ma vieillesse.
    ...

  • I
    je ne quiers pas la fameuse couronne,
    Saint ornement du Dieu au chef doré,
    Ou que, du Dieu aux Indes adoré,
    Le gai chapeau la tête m'environne.
    Encores moins veux je que l'on me donne
    Le mol rameau en Cypre décoré
    Celui qui est d'Athènes honoré,
    Seul je le veux, et le Ciel me l'ordonne.
    O tige heureux, que la sage Déesse
    En sa tutelle...

  • Tout effrayé de ce monstre nocturne,
    Je vis un corps hideusement nerveux,
    A longue barbe, à longs flottants cheveux,
    A front ridé et face de Saturne :

    Qui s'accoudant sur le ventre d'une urne,
    Versait une eau, dont le cours fluctueux
    Allait baignant tout ce bord sinueux
    Où le Troyen combattit contre Turne.

    Dessous ses pieds une louve...

  • Si je n'ai plus la faveur de la Muse,
    Et si mes vers se trouvent imparfaits,
    Le lieu, le temps, l'âge où je les ai faits,
    Et mes ennuis leur serviront d'excuse.

    J'étais à Rome au milieu de la guerre,
    Sortant déjà de l'âge plus dispos,
    A mes travaux cherchant quelque repos,
    Non pour louange ou pour faveur acquerre.

    Ainsi voit-on celui qui sur...

  • Quand ce brave séjour, honneur du nom Latin,
    Qui borna sa grandeur d'Afrique et de la Bise,
    De ce peuple qui tient les bords de la Tamise,
    Et de celui qui voit éclore le matin,

    Anima contre soi d'un courage mutin
    Ses propres nourrissons, sa dépouille conquise,
    Qu'il avait par tant d'ans sur tout le monde acquise,
    Devint soudainement du monde le butin :...

  • Dessous ce grand François, dont le bel astre luit
    Au plus beau lieu du ciel, la France fut enceinte
    Des lettres et des arts, et d'une troupe sainte
    Que depuis sous Henri féconde elle a produit :

    Mais elle n'eut plutôt fait montre d'un tel fruit,
    Et plutôt ce beau part n'eut la lumière atteinte,
    Que je ne sais comment sa clarté fut éteinte,
    Et vit en...

  • En mille crespillons les cheveux se friser,
    Se pincer les sourcils, et d'une odeur choisie
    Parfumer haut et bas sa charnure moisie,
    Et de blanc et vermeil sa face déguiser :

    Aller de nuit en masque, en masque deviser,
    Se feindre à tous propos être d'amour saisie,
    Siffler toute la nuit par une jalousie,
    Et par martel de l'un, l'autre favoriser :
    ...