• Baif, qui, comme moi, prouves l'adversité,
    Il n'est pas toujours bon de combattre l'orage,
    Il faut caler la voile, et de peur du naufrage
    Céder à la fureur de Neptune irrité.

    Mais il ne faut aussi par crainte et vilité
    S'abandonner en proie : il faut prendre courage,
    Il faut feindre souvent l'espoir par le visage,
    Et faut faire vertu de la nécessité....

  • Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon oeil
    Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire,
    Sinon en leur marcher les princes contrefaire,
    Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil.

    Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
    S'il ment, ce ne sont eux qui diront du contraire,
    Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
    La lune en...

  • Tu t'abuses, Belleau, si pour être savant,
    Savant et vertueux, tu penses qu'on te prise :
    Il faut (comme l'on dit) être homme d'entreprise,
    Si tu veux qu'à la cour on te pousse en avant.

    Ces beaux noms de vertu, ce n'est rien que du vent.
    Donques, si tu es sage, embrasse la feintise,
    L'ignorance, l'envie, avec la convoitise :
    Par ces arts jusqu'au...

  • Qui est ami du coeur est ami de la bourse,
    Ce dira quelque honnête et hardi demandeur,
    Qui de l'argent d'autrui libéral dépendeur
    Lui-même à l'hôpital s'en va toute la course.

    Mais songe là-dessus qu'il n'est si vive source
    Qu'on ne puisse épuiser, ni si riche prêteur
    Qui ne puisse à la fin devenir emprunteur,
    Ayant affaire à gens qui n'ont point de...

  • Quand je te dis adieu, pour m'en venir ici,
    Tu me dis, mon La Haye, il m'en souvient encore :
    Souvienne-toi, Bellay, de ce que tu es ore,
    Et comme tu t'en vas, retourne-t'en ainsi.

    Et tel comme je vins, je m'en retourne aussi :
    Hormis un repentir qui le coeur me dévore,
    Qui me ride le front, qui mon chef décolore,
    Et qui me fait plus bas enfoncer le...

  • Digne fils de Henri, notre Hercule gaulois,
    Notre second espoir, qui portes sur ta face
    Retraite au naturel la maternelle grâce
    Et gravée en ton coeur la vertu de Valois :

    Cependant que le ciel, qui jà dessous tes lois
    Trois peuples a soumis, armera ton audace
    D'une plus grand vigueur, suis ton père à la trace,
    Et apprends à dompter l'Espagnol et l'...

  • Ni la fureur de la flamme enragée,
    Ni le tranchant du fer victorieux,
    Ni le dégât du soldat furieux,
    Qui tant de fois, Rome, t'a saccagée,

    Ni coup sur coup ta fortune changée,
    Ni le ronger des siècles envieux,
    Ni le dépit des hommes et des dieux,
    Ni contre toi ta puissance rangée,

    Ni l'ébranler des vents impétueux,
    Ni le débord de ce...

  • Ce n'est le fleuve tusque au superbe rivage,
    Ce n'est l'air des Latins, ni le mont Palatin,
    Qui ores, mon Ronsard, me fait parler latin,
    Changeant à l'étranger mon naturel langage.

    C'est l'ennui de me voir trois ans et davantage,
    Ainsi qu'un Prométhée, cloué sur l'Aventin,
    Où l'espoir misérable et mon cruel destin,
    Non le joug amoureux, me détient en...

  • Quand le Soleil lave sa tête blonde
    En l'Océan, l'humide et noire nuit
    Un coi sommeil, un doux repos sans bruit
    Epand en l'air, sur la terre et sous l'onde.

    Mais ce repos, qui soulage le monde
    De ses travaux, est ce qui plus me nuit,
    Et d'astres lors si grand nombre ne luit,
    Que j'ai d'ennuis et d'angoisse profonde.

    Puis quand le ciel de...

  • Cent fois plus qu'à louer on se plaît à médire :
    Pour ce qu'en médisant on dit la vérité,
    Et louant, la faveur, ou bien l'autorité,
    Contre ce qu'on en croit, fait bien souvent écrire.

    Qu'il soit vrai, pris-tu onc tel plaisir d'ouïr lire
    Les louanges d'un prince ou de quelque cité,
    Qu'ouïr un Marc Antoine à mordre exercité
    Dire cent mille mots qui...