• Ô qu'heureux est celui qui peut passer son âge
    Entre pareils à soi ! et qui sans fiction,
    Sans crainte, sans envie et sans ambition,
    Règne paisiblement en son pauvre ménage !

    Le misérable soin d'acquérir davantage
    Ne tyrannise point sa libre affection,
    Et son plus grand désir, désir sans passion,
    Ne s'étend plus avant que son propre héritage.
    ...

  • Le Breton est savant et sait fort bien écrire
    En français et toscan, en grec et en romain,
    Il est en son parler plaisant et fort humain,
    Il est bon compagnon et dit le mot pour rire.

    Il a bon jugement et sait fort bien élire
    Le blanc d'avec le noir : il est bon écrivain,
    Et pour bien compasser une lettre à la main,
    Il y est excellent autant qu'on...

  • Je vis un fier torrent, dont les flots écumeux
    Rongeaient les fondements d'une vieille ruine :
    Je le vis tout couvert d'une obscure bruine,
    Qui s'élevait par l'air en tourbillons fumeux :

    Dont se formait un corps à sept chefs merveilleux,
    Qui villes et châteaux couvait sous sa poitrine,
    Et semblait dévorer d'une égale rapine
    Les plus doux animaux et les...

  • Qui prêtera la parole
    A la douleur qui m'affole ?
    Qui donnera les accents
    A la plainte qui me guide :
    Et qui lâchera la bride
    A la fureur que je sens ?

    Qui baillera double force
    A mon âme, qui s'efforce
    De soupirer mes douleurs ?
    Et qui fera sur ma face
    D'une larmoyante trace
    Couler deux ruisseaux de pleurs ?...

    Et vous...

  • Magny, je ne puis voir un prodigue d'honneur,
    Qui trouve tout bien fait, qui de tout s'émerveille,
    Qui mes fautes approuve et me flatte l'oreille,
    Comme si j'étais prince ou quelque grand seigneur.

    Mais je me fâche aussi d'un fâcheux repreneur,
    Qui du bon et mauvais fait censure pareille,
    Qui se lit volontiers, et semble qu'il sommeille
    En lisant...

  • Après avoir longtemps erré sur le rivage
    Où l'on voit lamenter tant de chétifs de cour,
    Tu as atteint le bord où tout le monde court,
    Fuyant de pauvreté le pénible servage.

    Nous autres cependant, le long de cette plage,
    En vain tendons les mains vers le nautonnier sourd,
    Qui nous chasse bien loin ; car, pour le faire court,
    Nous n'avons un quatrain pour...

  • Vu le soin ménager dont travaillé je suis,
    Vu l'importun souci qui sans fin me tourmente,
    Et vu tant de regrets desquels je me lamente,
    Tu t'ébahis souvent comment chanter je puis.

    Je ne chante, Magny, je pleure mes ennuis,
    Ou, pour le dire mieux, en pleurant je les chante;
    Si bien qu'en les chantant, souvent je les enchante :
    Voilà pourquoi, Magny, je...

  • Si onques de pitié ton âme fut atteinte,
    Voyant indignement ton ami tourmenté,
    Et si onques tes yeux ont expérimenté
    Les poignants aiguillons d'une douleur non feinte,

    Vois la mienne en ces vers sans artifice peinte,
    Comme sans artifice est ma simplicité :
    Et si pour moi tu n'es à pleurer incité,
    Ne te ris pour le moins des soupirs de ma plainte.
    ...

  • Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse,
    Qu'il n'était rien plus doux que voir encore un jour
    Fumer sa cherninée, et après long séjour
    Se retrouver au sein de sa terre nourrice.

    Je me réjouissais d'être échappé au vice,
    Aux Circés d'Italie, aux sirènes d'amour,
    Et d'avoir rapporté en France à mon retour
    L'honneur que l'on s'acquiert d'un fidèle...

  • Vivons, Gordes, vivons, vivons, et pour le bruit
    Des vieillards ne laissons à faire bonne chère :
    Vivons, puisque la vie est si courte et si chère,
    Et que même les rois n'en ont que l'usufruit.

    Le jour s'éteint au soir, et au matin reluit,
    Et les saisons refont leur course coutumière :
    Mais quand l'homme a perdu cette douce lumière,
    La mort lui fait...