• - Dans la ville d'ébène et d'or,
    Sombre dame des carrefours,
    Qu'attendre, après tant de jours,
    Qu'attendre encor ?

    - Les chiens du noir espoir ont aboyé, ce soir,
    Vers les lunes de mes deux yeux,
    Si longuement, vers mes deux yeux silencieux,
    Si longuement et si terriblement, ce soir,
    Vers les lunes de mes deux yeux en noir.

    Dites...

  • Le site est floconneux de brume
    Qui s'épaissit en bourrelets,
    Autour des seuils et des volets,
    Et, sur les berges, fume.

    Le fleuve traîne, pestilentiel,
    Les charognes que le courant rapporte;
    Et la lune semble une morte
    Qu'on enfouit au bout du ciel.

    Seules, en des barques, quelques lumières
    Illuminent et grandissent les dos
    ...

  • Hélas, depuis les jours des suprêmes combats,
    Tes compagnes sont la frayeur et l'infortune ;
    Tu n'as plus pour pays que des lambeaux de dunes
    Et des plaines en feu sur l'horizon, là-bas.

    Anvers et Gand et Liége et Bruxelles et Bruges
    Te furent arrachés et gémissent au loin
    Sans que tes yeux encor vaillants soient leurs témoins
    Ni que tes bras armés...

  • Le monde est fait avec des astres et des hommes.
    Là-haut,
    Depuis quels temps à tout jamais silencieux,
    Là-haut,
    En quels jardins profonds et violents des cieux,
    Là-haut,
    Autour de quels soleils,
    Pareils
    à des ruches de feux,
    Tourne, dans la splendeur de l'espace énergique,
    L'essaim myriadaire et merveilleux
    Des planètes tragiques ?
    ...

  • Moines, vos chants d'aurore ont des élans d'espoir,
    Et des bruits retombants de cloche et d'encensoir :

    Quand les regards, suivant leur route coutumière,
    Montent vers les sommets chercher de la lumière ;

    Quand le corps, dégourdi des langueurs du réveil,
    Comme un jardin d'été se déplie au soleil ;

    Quand le cerveau, tiré des sommeils taciturnes...

  • Il gèle et des arbres pâlis de givre clair
    Montent au loin, ainsi que des faisceaux de lune ;
    Au ciel purifié, aucun nuage ; aucune
    Tache sur l'infini silencieux de l'air.

    Le fleuve où la lueur des astres se réfracte
    Semble dallé d'acier et maçonné d'argent ;
    Seule une barque est là, qui veille et qui attend,
    Les deux avirons pris dans la glace...

  • Comme des objets frêles,
    Les vaisseaux blancs semblent posés
    Sur la mer éternelle.

    Le vent futile et pur n'est que baisers ;
    Et les écumes,
    Qui doucement échouent
    Contre les proues,
    Ne sont que plumes ;
    Il fait dimanche sur la mer !

    Telles des dames
    Passent, au ciel ou vers les plages,
    Voilures et nuages :
    Il fait...

  • Dalles au fond des lointains clairs et lacs d'opales,
    Pendant les grands hivers, lorsque les nuits sont pâles
    Et qu'un autel de froid s'éclaire au choeur des neiges !

    Le gel se râpe en givre ardent à travers branches,
    Le gel ! - et de grandes ailes qui volent blanches
    Font d'interminables et suppliants cortèges
    Sur fond de ciel, là-bas, où les minuits...

  • A cropetons, ainsi que les pauvres Maries
    Des légendes de l'autrefois,
    Par villages, sous les cieux froids,
    Sont assises les métairies :

    Chaumes teigneux, pignons crevés, carreaux fendus,
    Souffreteuses et lamentables ;
    Le vent siffle, par les étables
    Et par les carrefours perdus.

    A cropetons, ainsi que les vieilles dolentes,
    Avec leurs...

  • Le clair jardin c'est la santé.

    Il la prodigue, en sa clarté,
    Au va-et-vient de ses milliers de mains,
    De palmes et de feuilles,

    Et la bonne ombre, où il accueille,
    Après de longs chemins,
    Nos pas,
    Verse, à nos membres las,
    Une force vivace et douce
    Comme ses mousses.

    Quand l'étang joue avec le vent et le soleil,
    Un coeur...