• La nuit d'hiver élève au ciel son pur calice.

    Et je lève mon coeur aussi, mon coeur nocturne,
    Seigneur, mon c?ur ! vers ton pâle infini vide,
    Et néanmoins je sais que tout est taciturne
    Et qu'il n'existe rien dont ce coeur meurt, avide ;
    Et je te sais mensonge et mes lèvres te prient

    Et mes genoux ; je sais et tes grandes mains closes
    Et tes...

  • L'ombre est lustrale et l'aurore irisée.
    De la branche, d'où s'envole là-haut
    L'oiseau,
    Tombent des gouttes de rosée.

    Une pureté lucide et frêle
    Orne le matin si clair
    Que des prismes semblent briller dans l'air.
    On écoute une source ; on entend un bruit d'ailes.

    Oh ! que tes yeux sont beaux, à cette heure première
    Où nos étangs d'...

  • La petite Vierge Marie
    Passe les soirs de mai par la prairie,
    Ses pieds légers frôlant les brumes,
    Ses deux pieds blancs comme deux plumes.

    S'en va comme une infante,
    Corsage droit, jupes bouffantes,
    Avec, à sa ceinture, un bruit bougeant
    Et clair de chapelet d'argent.

    Aux deux côtés de la rivière
    Poussent par tas les fleurs...

  • Le crapaud noir sur le sol blanc
    Me fixe indubitablement
    Avec des yeux plus grands que n'est grande sa tête ;
    Ce sont les yeux qu'on m'a volés
    Quand mes regards s'en sont allés,
    Un soir, que je tournai la tête.

    Mon frère ? - il est quelqu'un qui ment,
    Avec de la farine entre ses dents ;
    C'est lui, jambes et bras en croix,
    Qui tourne au loin,...

  • Au fond d'un hall sonore et radiant,
    Sous les ailes énormes
    Et les duvets des brumes uniformes,
    Parfois, le soir, on déballe les Orients.

    Les tréteaux clairs luisent comme des armes ;
    De gros soleils en strass brillent, de loin en loin ;
    Des cymbaliers hagards entrechoquent leurs poings
    Et font sonner et tonner les vacarmes.
    Le rideau s'ouvre : et...

  • Plages vides, avec toujours les mêmes flots
    Poussant les mêmes cris et les mêmes sanglots
    De l'un à l'autre bout des rivages de Flandre ;
    Dunes d'oyats aigus, monts de sable et de cendre,
    Pays hostile et dur et féroce souvent,
    Pays de lutte et de ferveur, pays de vent,
    Pays d'épreuve et d'angoisse, pays de rage,
    Quand s'acharnent sur vous les tournoyants...

  • En sa robe, couleur de feu et de poison,
    Le cadavre de ma raison
    Traîne sur la Tamise.

    Des ponts de bronze, où les wagons
    Entrechoquent d'interminables bruits de gonds
    Et des voiles de bâteaux sombres
    Laissent sur elle, choir leurs ombres.

    Sans qu'une aiguille, à son cadran, ne bouge,
    Un grand beffroi masqué de rouge,
    La regarde, comme...

  • Le plumage lustré de satins et de moires,
    Les corneilles, oiseaux placides et dolents,
    Parmi les champs d'hiver, que la neige a fait blancs,
    Apparaissent ainsi que des floraisons noires.

    L'une marque les longs rameaux d'un chêne ami ;
    Elle est penchée au bout d'une branche tordue,
    Et, fleur d'encre, prolonge une plainte entendue
    Par le tranquille...

  • Oh ! laisse frapper à la porte
    La main qui passe avec ses doigts futiles ;
    Notre heure est si unique, et le reste qu'importe ;
    Le reste avec ses doigt futiles.

    Laisse passer, par le chemin,
    La triste et fatigante joie,
    Avec ses crécelles en main.

    Laisse monter, laisse bruire
    Et s'en aller le rire ;
    Laisse passer la foule et ses...

  • Moines venus vers nous des horizons gothiques,
    Mais dont l'âme, mais dont l'esprit meurt de demain,
    Qui reléguez l'amour dans vos jardins mystiques
    Pour l'y purifier de tout orgueil humain,
    Fermes, vous avancez par les routes des hommes,
    Les yeux hallucinés par les feux de l'enfer,
    Depuis les temps lointains jusqu'au jour où nous sommes,
    Dans les âges d...