• Avec le même amour que tu me fus jadis
    Un jardin de splendeur dont les mouvants taillis
    Ombraient les longs gazons et les roses dociles,
    Tu m'es en ces temps noirs un calme et sûr asile.

    Tout s'y concentre, et ta ferveur et ta clarté
    Et tes gestes groupant les fleurs de ta bonté,
    Mais tout y est serré dans une paix profonde
    Contre les vents aigus...

  • Le soir, plein des dégoûts du journalier mirage,
    Avec des dents, brutal, de folie et de feu,
    Je mords en moi mon propre coeur et je l'outrage
    Et ricane, s'il tord son martyre vers Dieu.

    Là-bas, un ciel brûlé d'apothéoses vertes
    Domine un coin de mer - et des flammes de flots
    Entrent, comme parmi des blessures ouvertes,
    En des écueils troués de cris et...

  • L'hiver, les chênes lourds et vieux, les chênes tors,
    Geignant sous la tempête et projetant leurs branches
    Comme de grands bras qui veulent fuir leur corps,
    Mais que tragiquement la chair retient aux hanches,

    Semblent de maux obscurs les mornes recéleurs ;
    Car l'âme des pays du Nord, sombre et sauvage,
    Habite et clame en eux ses nocturnes douleurs
    Et...

  • Et ce Londres de fonte et de bronze, mon âme,
    Où des plaques de fer claquent sous des hangars,
    Où des voiles s'en vont, sans Notre-Dame
    Pour étoile, s'en vont, là-bas, vers les hasards.

    Gares de suie et de fumée, où du gaz pleure
    Ses spleens d'argent lointain vers des chemins d'éclair,
    Où des bêtes d'ennui bâillent à l'heure
    Dolente immensément, qui...

  • Trouant de tes rayons sans nombre
    Le feuillage léger,
    Soleil,
    Tu promènes, comme un berger,
    Le tranquille troupeau des ombres
    Dans les jardins et les vergers.

    Dès le matin, par bandes,
    Sitôt que le ciel est vermeil,
    Elles s'étendent
    Des enclos recueillis et des humbles maisons.
    Leur masse lente et mobile
    Ornent les toits de...

  • I

    Pour y tasser le poids de tes belles lourdeurs,
    Tes doubles seins frugaux et savoureux qu'arrose
    Ton sang, tes bras bombés que lustre la peau rose,
    Ton ventre où les poils roux toisonnent leurs splendeurs,

    Je tresserai mes vers comme, au fond des villages,
    Assis, au seuil de leur maison, les vieux vanniers
    Mêlent les osiers bruns et blancs...

  • Sur sa butte que le vent gifle,
    Il tourne et fauche et ronfle et siffle,
    Le vieux moulin des péchés vieux
    Et des forfaits astucieux.

    Il geint des pieds jusqu'à la tête,
    Sur fond d'orage et de tempête,
    Lorsque l'automne et les nuages
    Frôlent son toit de leurs voyages.

    Sur la campagne abandonnée
    Il apparaît une araignée
    Colossale,...

  • Et qu'importent et les pourquoi et les raisons
    Et qui nous fûmes et qui nous sommes :
    Tout doute est mort, en ce jardin de floraisons
    Qui s'ouvre en nous et hors de nous, si loin des hommes.

    Je ne raisonne pas, et ne veux pas savoir
    Et rien ne troublera ce qui n'est que mystère
    Et qu'élans doux et que ferveur involontaire
    Et que tranquille essor...

  • Vers une ville au loin d'émeute et de tocsin,
    Où luit le couteau nu des guillotines,
    En tout-à-coup de fou désir, s'en va mon coeur.

    Les sourds tambours de tant de jours
    De rage tue et de tempête,
    Battent la charge dans les têtes.

    Le cadran vieux d'un beffroi noir
    Darde son disque au fond du soir,
    Contre un ciel d'étoiles rouges.

    ...

  • Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
    Interminablement, à travers le jour gris,
    Ligne les carreaux verts avec ses longs fils gris,
    Infiniment, la pluie,
    La longue pluie,
    La pluie.

    Elle s'effile ainsi, depuis hier soir,
    Des haillons mous qui pendent,
    Au ciel maussade et noir.
    Elle s'étire, patiente et lente,
    Sur les chemins,...