• Parmi l'étang d'or sombre
    Et les nénuphars blancs,
    Un vol passant de hérons lents
    Laisse tomber des ombres.

    Elles s'ouvrent et se ferment sur l'eau
    Toutes grandes, comme des mantes ;
    Et le passage des oiseaux, là-haut,
    S'indéfinise, ailes ramantes.

    Un pêcheur grave et théorique
    Tend vers elles son filet clair,
    Ne voyant pas...

  • Pour nous aimer des yeux,
    Lavons nos deux regards de ceux
    Que nous avons croisés, par milliers, dans la vie
    Mauvaise et asservie.

    L'aube est en fleur et en rosée
    Et en lumière tamisée
    Très douce ;
    On croirait voir de molles plumes
    D'argent et de soleil, à travers brumes,
    Frôler et caresser, dans le jardin, les mousses.
    Nos bleus et...

  • La glycine est fanée et morte est l'aubépine ;
    Mais voici la saison de la bruyère en fleur
    Et par ce soir si calme et doux, le vent frôleur
    T'apporte les parfums de la pauvre Campine.

    Aime et respire-les, en songeant à son sort
    Sa terre est nue et rêche et le vent y guerroie ;
    La mare y fait ses trous, le sable en fait sa proie
    Et le peu qu'on lui...

  • Vers une lune toute grande,
    Qui reluit dans un ciel d'hiver
    Comme une patène d'or vert,
    Les nuages vont à l'offrande.

    Ils traversent le firmament,
    Qui semble un choeur plein de lumières
    Où s'étageraient des verrières
    Lumineuses obscurément,

    Si bien que ces nuits remuées
    Mirent au fond de marais noirs,
    Comme en de colossaux...

  • J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
    Comme un soleil fané avant qu'il ne fût nuit,
    Le jour qu'avec ses bras de plomb, la maladie
    M'a lourdement traîné vers son fauteuil d'ennui.

    Les fleurs et le jardin m'étaient crainte ou fallace ;
    Mes yeux souffraient à voir flamber les midis blancs,
    Et mes deux mains, mes mains, semblaient déjà trop lasses...

  • Le paysage il a changé - et des gradins,
    Mystiquement fermés de haies,
    Inaugurent parmi des plants d'ormaies.
    Une vert et or enfilade de jardins.

    Chaque montée est un espoir
    En escalier vers une attente ;
    Par les midis chauffés la marche est haletante
    Mais le repos attend au bout du soir.

    Les ruisselets qui font blanches les fautes
    ...

  • Je rêve une existence en un cloître de fer,
    Brûlée au jeûne et sèche et râpée aux cilices,
    Où l'on abolirait, en de muets supplices,
    Par seule ardeur de l'âme, enfin, toute la chair.

    Sauvage horreur de soi si mornement sentie !
    Quand notre corps nous boude et que nos nerfs, la nuit,
    Jettent sur nos vouloirs leur cagoule d'ennui,
    Ou brusquement nous...

  • Je suis celui des pourritures grandioses
    Qui s'en revient du pays mou des morts ;
    Celui des Ouests noirs du sort
    Qui te montre, là-bas, comme une apothéose,
    Son île immense, où des guirlandes ,
    De détritus et de viandes
    Se suspendent,
    Tandis, qu'entre les fleurs somptueuses des soirs,
    S'ouvrent les grands yeux d'or de crapauds noirs.

    ...

  • Mets ta chaise près de la mienne
    Et tends les mains vers le foyer
    Pour que je voie entre tes doigts
    La flamme ancienne
    Flamboyer ;
    Et regarde le feu
    Tranquillement, avec tes yeux
    Qui n'ont peur d'aucune lumière
    Pour qu'ils me soient encore plus francs
    Quand un rayon rapide et fulgurant
    Jusques au fond de toi les frappe et les éclaire...

  • Comme un torse de pierre et de métal debout
    Le monument de l'or dans les ténèbres bout.

    Dès que morte est la nuit et que revit le jour,
    L'immense et rouge carrefour
    D'où s'exalte sa quotidienne bataille
    Tressaille.

    Des banques s'ouvrent tôt et leurs guichets,
    Où l'or se pèse au trébuchet,
    Voient affluer - voiles légères - par flottes,...