• Le jour
    Ils se croisaient dans leur étable et dans leur cour,
    Leurs durs regards obstinément fixés à terre ;
    Et tous les deux, ils s'acharnaient à soigner mieux,
    Elle, ses porcs, et lui, ses boeufs,
    Depuis qu'ils se boudaient, rogues et solitaires.

    Ils s'épiaient du coin de l'oeil, dans leur enclos,
    Avec l'espoir secret de se surprendre en faute...

  • La misère séchant ses loques sur leur dos,
    Aux jours d'automne, un tas de gueux, sortis des bouges,
    Rôdaient dans les brouillards et les prés au repos,
    Que barraient sur fond gris des rangs de hêtres rouges.

    Dans les plaines, où plus ne s'entendait un chant,
    Où les neiges allaient verser leurs avalanches,
    Seules encor, dans l'ombre et le deuil s'...

  • La plaine est morne, avec ses clos, avec ses granges
    Et ses fermes dont les pignons sont vermoulus,
    La plaine est morne et lasse et ne se défend plus,
    La plaine est morne et morte - et la ville la mange.

    Formidables et criminels,
    Les bras des machines diaboliques,
    Fauchant les blés évangéliques,
    Ont effrayé le vieux semeur mélancolique
    Dont...

  • Un silence souffrant pénètre au coeur des choses,
    Les bruits ne remuent plus qu'affaiblis par le soir,
    Et les ombres, quittant les couchants grandioses,
    Descendent, en froc gris, dans les vallons s'asseoir.

    Un grand chemin désert, sans bois et sans chaumières,
    A travers les carrés de seigle et de sainfoin,
    Prolonge en son milieu ses deux noires ornières...

  • Tout ce qui vit autour de nous,
    Sous la douce et fragile lumière,
    Herbes frêles, rameaux tendres, roses trémières,
    Et l'ombre qui les frôle et le vent qui les noue,
    Et les chantants et sautillants oiseaux
    Qui follement s'essaiment,
    Comme des grappes de joyaux
    Dans le soleil,
    Tout ce qui vit au beau jardin vermeil,
    Ingénument, nous aime ;
    Et...

  • Il faut admirer tout pour s'exalter soi-même
    Et se dresser plus haut que ceux qui ont vécu
    De coupable souffrance et de désirs vaincus :
    L'âpre réalité formidable et suprême
    Distille une assez rouge et tonique liqueur
    Pour s'en griser la tête et s'en brûler le coeur.

    Oh clair et pur froment d'où l'on chasse l'ivraie !
    Flamme nette, choisie entre...

  • On m'affirmait :
    " Partout où les cités de vapeurs s'enveloppent,
    Où l'homme dans l'effort s'exalte et se complaît,
    Bat le coeur fraternel d'une plus haute Europe.

    De la Sambre à la Ruhr, de la Ruhr à l'Oural,
    Et d'Allemagne en France et de France en Espagne
    L'ample entente disperse un grand souffle auroral
    Qui va de ville en plaine et de plaine en...

  • Tout seul,
    Que le berce l'été, que l'agite l'hiver,
    Que son tronc soit givré ou son branchage vert,
    Toujours, au long des jours de tendresse ou de haine,
    Il impose sa vie énorme et souveraine
    Aux plaines.

    Il voit les mêmes champs depuis cent et cent ans
    Et les mêmes labours et les mêmes semailles ;
    Les yeux aujourd'hui morts, les yeux
    ...

  • Dans la cave très basse et très étroite, auprès
    Du soupirail prenant le jour au Nord, les jarres
    Laissaient se refroidir le lait en blanches mares
    Dans les rouges rondeurs de leur ventre de grès.

    Ou eût dit, à les voir dormir dans un coin sombre,
    D'énormes nénuphars s'ouvrant par les flots lents,
    Ou des mets protégés par des couvercles blancs
    Qu'...

  • I

    Des buissons lumineux fusaient comme des gerbes ;
    Mille insectes, tels des prismes, vibraient dans l'air ;
    Le vent jouait avec l'ombre des lilas clairs,
    Sur le tissu des eaux et les nappes de l'herbe.
    Un lion se couchait sous des branches en fleurs ;
    Le daim flexible errait là-bas, près des panthères ;
    Et les paons déployaient des faisceaux de...