• Le gel durcit les eaux ; le vent blémit les nues.

    A l'orient du pré, dans le sol rêche
    Est là qui monte et grelotte, la bêche
    Lamentable et nue.

    - Fais une croix sur le sol jaune
    Avec ta longue main,
    Toi qui t'en vas, par le chemin -

    La chaumière d'humidité verdâtre
    Et ses deux tilleuls foudroyés
    Et des cendres dans l'âtre...

  • Au clos de notre amour, l'été se continue :
    Un paon d'or, là-bas, traverse une avenue ;
    Des pétales pavoisent
    - Perles, émeraudes, turquoises -
    L'uniforme sommeil des gazons verts
    Nos étangs bleus luisent, couverts
    Du baiser blanc des nénuphars de neige ;
    Aux quinconces, nos groseilliers font des cortèges ;
    Un insecte de prisme irrite un coeur de fleur...

  • Oh ! Les éveils des bourgades sous l'or des branches,
    Où courent la lumière et l'ombre - et les roseaux
    Et les aiguilles d'or des insectes des eaux
    Et les barres des ponts de bois et leurs croix blanches.

    Et le pré plein de fleurs et l'écurie en planches
    Et le bousculement des baquets et des seaux
    Autour de la mangeoire où grouillent les pourceaux,...

  • Ô la splendeur de notre joie
    Tissée en or dans l'air de soie !

    Voici la maison douce et son pignon léger,
    Et le jardin et le verger.

    Voici le banc, sous les pommiers
    D'où s'effeuille le printemps blanc,
    A pétales frôlants et lents.

    Voici des vols de lumineux ramiers
    Planant, ainsi que des présages,
    Dans le ciel clair du paysage...

  • Que tes yeux clairs, tes yeux d'été,
    Me soient, sur terre,
    Les images de la bonté.

    Laissons nos âmes embrasées
    Revêtir d'or chaque flamme de nos pensées.

    Que mes deux mains contre ton coeur
    Te soient, sur terre,
    Les emblèmes de la douceur.

    Vivons pareils à deux prières éperdues
    L'une vers l'autre, à toute heure, tendues.
    ...

  • Vagues d'argent et beau ciel clair
    Le flot sur les grèves se vide.
    Les cinq pêcheurs équestres de Coxyde
    Pèchent nonchalamment, sur le bord de la mer.

    Dans les lueurs et dans les moires
    Des vagues pâles, passent,
    Allant, venant,
    Leurs silhouettes noires
    Les chevaux vieux, les chevaux las,
    Parfois lèvent la tête, et regardent là-bas,
    L'...

  • Pâles, nerveux et seuls, les tragiques malades
    Vivent avec leurs maux. Ils regardent le soir
    Se faire dans leur chambre et grandir les façades.
    Une église près d'eux lève son clocher noir,

    Heure morte, là-bas, quelque part, en province,
    En des quartiers perdus, au fond d'un clos désert,
    Où s'endeuillent les murs et les porches dont grince
    Le gond...

  • Oh ! les heures du soir sous ces climats légers,
    La lumière en est belle et la lune y est douce,
    Et l'ombre souple et claire y répand sur les mousses
    Les mobiles dessins d'un feuillage étranger.

    Oliviers d'Aragon, figuiers de Catalogne,
    Hameaux calmes et blancs sur vos ruisseaux penchés,
    Derniers rayons frôlant les toits et les clochers
    Où s'arrêtait...

  • En ces heures de soir où sous la brume épaisse
    Le ciel voilé s'efface et lentement s'endort,
    Je marche recueilli, mais sans vaine tristesse,
    Sur la terre pleine de morts.

    Je fais sonner mon pas pour qu'encore ils l'entendent
    Et qu'ils songent, en leur sommeil morne et secret,
    A ceux dont la ferveur et la force plus grandes
    Refont le monde qu'ils...

  • Nous avancions, tranquillement, sous les étoiles ;
    La lune oblique errait autour du vaisseau clair,
    Et l'étagement blanc des vergues et des voiles
    Projetait sa grande ombre au large sur la mer.

    La froide pureté de la nuit embrasée
    Scintillait dans l'espace et frissonnait sur l'eau ;
    On voyait circuler la grande Ourse et Persée
    Comme en des cirques d'...