• Des nuages, couleur de marbre,
    Volent, à travers le ciel fou ;
    " Eh ! la lune, garde à vous ! "
    L'espace meugle et se déchire.
    Sous l'écorce par les fentes
    On écoute pleurer et rire
    Les arbres.

    " Eh ! la lune, garde à vous ! "
    Votre face de cristal blanc
    Va choir, morte, parmi l'étang,
    Cassée aux angles des vaguettes ;
    Les...

  • La couronne formidable des rois
    En s'appuyant de tout son poids
    Sur ce masque de cire
    Semblait broyer et mutiler
    L'empire.

    Le pâle émail des yeux usés
    S'était fendu en agonies
    Minuscules, mais infinies,
    Sous les sourcils décomposés.

    Le front avait été l'éclair,
    Avant que les pâles années
    N'eussent rivé les destinées,
    Sur...

  • Et pleine d'un bétail magnifique, l'étable,
    A main gauche, près des fumiers étagés haut,
    Volets fermés, dormait d'un pesant sommeil chaud,
    Sous les rayons serrés d'un soleil irritable.

    Dans la moite chaleur de la ferme au repos,
    Dans la vapeur montant des fumantes litières,
    Les boeufs dressaient le roc de leurs croupes altières
    Et les vaches...

  • A pleine voix - midi s'exaltant au dehors
    Et les champs reposant - les nones sont chantées,
    Dans un balancement de phrases répétées
    Et hantantes, comme un rappel de grands remords.

    Et peu à peu les chants prennent de tels essors,
    Les antiennes sont sur de tels vols portées
    A travers l'ouragan des notes exaltées,
    Que tremblent les vitraux, au fond...

  • I

    ... Ces souvenirs chauffent mon sang
    Et pénètrent mes moelles...

    Je me souviens du village près de l'Escaut,
    D'où l'on voyait les grands bateaux
    Passer, ainsi qu'un rêve empanaché de vent
    Et merveilleux de voiles,
    Le soir, en cortège, sous les étoiles.

    Je me souviens de la bonne saison ;
    Des parlottes, l'été, au seuil de la...

  • Depuis que dans la plaine immense il s'est fait soir,
    Avec de lourds marteaux et des blocs taciturnes,
    L'ombre bâtit ses murs et ses donjons nocturnes
    Comme un Escurial revêtu d'argent noir.

    Le ciel prodigieux domine, embrasé d'astres,
    - Voûte d'ébène et d'or où fourmillent des yeux -
    Et s'érigent, d'un jet, vers ce plafond de feux,
    Les hêtres et...

  • Sur ces plages de sel amer
    Et d'âpre immensité marine,
    Je déguste, par les narines,
    L'odeur d'iode de la mer.

    Quels échanges de forces nues
    S'entrecroisent et s'insinuent,
    Avec des heurts, avec des bonds,
    A cette heure de vie énorme,
    Où tout s'étreint et se transforme
    Les vents, les cieux, les flots, les monts !

    Et c'est...

  • Sur une table chargée, où les liasses abondent,
    Serré dans un fauteuil étroit, morne et branlant,
    Il griffonne menu, au long d'un papier blanc ;
    Mais sa pensée, elle est là-bas au bout du monde.

    Le Cap, Java, Ceylan vivent devant ses yeux
    Et l'océan d'Asie, où ses mille navires
    A l'Est, à l'Ouest, au Sud, au Nord, cinglent et virent
    Et, les voiles...

  • Parmi les pommes d'or que frôle un vent léger
    Tu m'apparais là-haut, glissant de branche en branche,
    Lorsque soudain l'orage accourt en avalanche
    Et lacère le front ramu du vieux verger.

    Tu fuis craintive et preste et descends de l'échelle
    Et t'abrites sous l'appentis dont le mur clair
    Devient livide et blanc aux lueurs de l'éclair
    Et dont sonne...

  • La ferme aux longs murs blancs, sous les grands arbres jaunes,
    Regarde, avec les yeux de ses carreaux éteints,
    Tomber très lentement, en ce jour de Toussaint,
    Les feuillages fanés des frênes et des aunes.

    Elle songe et resonge à ceux qui sont ailleurs,
    Et qui, de père en fils, longuement s'éreintèrent,
    Du pied bêchant le sol, des mains fouillant la...