• A EPHRAÏM MIKHAËL.

    Par les vastes forêts, à l'heure vespérale,
    Les ruisseaux endormeurs modulent leurs sanglots :
    Mon âme s'alanguit d'une horreur sépulcrale
    A l'heure vespérale où murmurent les flots.

    Les ruisseaux endormeurs modulent leurs sanglots
    Sous les feuilles que frôle un vent crépusculaire :
    A l'heure vespérale où murmurent les flots...

  • Ô paix de ce pays d'ici
    Où jadis nous nous aimâmes
    Par nos corps et par nos âmes,
    Ô paix de ce pays d'ici !

    Le crépuscule dans les arbres
    Dont tous les oiseaux sont fous
    De s'être aimés comme nous,
    Le crépuscule dans les arbres !

    Et ce fleuve sous la forêt
    Où, soeur folle des automnes,
    Tu cueillais les anémones,
    Et ce fleuve...

  • Je suis ce roi des anciens temps
    Dont la cité dort sous la mer
    Aux chocs sourds des cloches de fer
    Qui sonnèrent trop de printemps.

    Je crois savoir des noms de reines
    Défuntes depuis tant d'années,
    Ô mon âme ! et des fleurs fanées
    Semblent tomber des nuits sereines.

    Les vaisseaux lourds de mon trésor
    Ont tous sombré je ne sais où,
    ...

  • Ode

    Dans mon sein, vérité suprême,
    Descends du ciel pour m'éclairer.
    Je veux me connaître moi-même ;
    Il est honteux de s'ignorer.
    Du coeur humain perçons l'abîme ;
    C'est de cette étude sublime
    Que l'homme s'occupe le moins.
    Dans ce coeur porte la lumière :
    Montre-moi la cause première
    Et le vrai but de tous ses soins.

    ...

  • L'homme a dit : "Les cieux m'environnent,
    Les cieux ne roulent que pour moi ;
    De ces astres qui me couronnent
    La nature me fit le roi :
    Pour moi seul le soleil se lève,
    Pour moi seul le soleil achève
    Son cercle éclatant dans les airs ;
    Et je vois, souverain tranquille,
    Sur son poids la terre immobile
    Au centre de cet univers."

    Fier mortel...

  • Je me trouve et me pers, je m'asseure et m'effroye
    En ma mort je revis je vois sans penser voir,
    Car tu as d'éclairer et d'obscurcir pouvoir,
    Mais tout orage noir de rouge eclair flamboye.

    Mon front qui cache et monstre avec tristesse, joye,
    Le silence parlant, l'ignorance au sçavoir,
    Tesmoignent mon hautain et mon humble devoir,
    Tel est tout coeur, qu'...

  • Vous, ô Dieux, qui à vous presque égalé m'avez,
    Et qu'on feint comme moy serfs de la Cyprienne :
    Et vous doctes amans, qui d'ardeur Delienne
    Vivans par mille morts vos ardeurs écrivez :

    Vous esprits que la mort n'a point d'amour privez,
    Et qui encor au frais de nombre Elysienne
    Rechantans par vos vers vostre flamme ancienne,
    De vos Palles moitiez les...

  • Dès que ce Dieu soubs qui la lourde masse,
    De ce grand Tout brouillé s'écartela,
    Les cieux plus hauts clairement étoila,
    Et d'animaulx remplit la terre basse :

    Et dès que l'homme au portrait de sa face
    Heureusement sur la terre il moula,
    Duquel l'esprit presqu'au sien égala,
    Heurant ainsi sa prochaine race :

    Helas ! ce Dieu, helas ! ce Dieu...

  • Quelque lieu, quelque amour, quelque loi qui t'absente,
    Et ta déité tâche ôter de devant moi,
    Quelque oubli qui, contraint de lieu, d'amour, de loi,
    Fasse qu'en tout absent de ton coeur je me sente,

    Tu m'es, tu me seras sans fin pourtant présente
    Par le nom, par l'effet fatal qui est en toi,
    Par tout tu es Diane, en tout rien je ne vois,
    Qui mon...

  • Ou soit que la clairté du soleil radieux
    Reluise dessus nous, ou soit que la nuict sombre
    Luy efface son jour, et de son obscur ombre
    Renoircisse le rond de la voulte des cieux :

    Ou soit que le dormir s'escoule dans mes yeux,
    Soit que de mes malheurs je recherche le nombre,
    Je ne puis eviter à ce mortel encombre,
    Ny arrester le cours de mon mal...