• Le clair soleil d'avril ruisselle au long des bois.
    Sous les blancs cerisiers et sous les lilas roses
    C'est l'heure de courir au rire des hautbois.

    Vos lèvres et vos seins, ô les vierges moroses,
    Vont éclore aux baisers zézayants du zéphyr
    Comme aux rosiers en fleur les corolles des roses.

    Déjà par les sentiers où s'étouffe un soupir,
    Au...

  • I

    Mon coeur, ô ma Chimère, est une cathédrale
    Où mes chastes pensers, idolâtres du Beau,
    S'en viennent à minuit sous la flamme lustrale
    Râler leur requiem au pied de ton tombeau.

    J'ai dressé sous le ciel du dôme un sarcophage
    Dont la grave épitaphe en strophes de granit
    Proclamera de l'aube à l'ombre et d'âge en âge
    L'amen et l'hosanna...

  • Une nuit, sous la terrible lune
    Qui saignait parmi les brumes roses,
    Tu parlais, ô soeur, de tristes choses
    Comme une enfant prise de rancune.

    Au loin les appels des mauvais hommes
    Nous montaient des vergers de la plaine
    Où les arbres tordus par la haine
    Tendaient, fruits du mal amour, leurs pommes.

    Tu n'entendis pas le bruit des roues...

  • Le fébrile frisson des murmures d'amour
    M'émeut ce soir les nerfs et vieillit ma mémoire.
    La voix d'un violon sous la soie et la moire
    Me miaule des mots d'inéluctable amour.

    La verveine se pâme en les vases de jade :
    Un fantôme de femme en l'alcôve circule.
    Mais ma mémoire est morte avec le crépuscule,
    Et j'ai perdu mon âme en les vases de jade....

  • A l'heure du réveil des sèves
    L'Amour, d'un geste las,
    Sème les rimes et les rêves
    Parmi les lis et les lilas.

    La brise, soeur des hirondelles,
    Déferle son essor,
    Et frôle de mille coups d'ailes
    Les corolles d'azur et d'or.

    Amour, pour fêter ta victoire
    Les cieux se sont fleuris,
    Et mai t'auréole de gloire,
    O roi des Roses...

  • Tu vins vers moi par les vallées
    Où s'effeuillaient les azalées,
    O soeur des heures en allées !

    Ta toison était de couleur
    Rousse, et ta bouche de douleur
    Pareille à la mort d'une fleur.

    Tes yeux semblaient des cieux d'automme
    Où le dernier orage tonne,
    Mélancolique et monotone.

    Ta voix chantant la mort d'un roi
    Fut...

  • A STEPHANE MALLARME

    Au temps du gazouillis des feuilles, en avril,
    La voix du divin Pan s'avive de folie,
    Et son souffle qui siffle en la flûte polie
    Eveille les désirs du renouveau viril.

    Comme un appel strident de naïade en péril
    L'hymne vibre en le vert de la forêt pâlie
    D'où répond, note à note, écho qui se délie,
    L'ironique pipeau...

  • Des rossignols chantant à des lys
    Sous la lune d'or de l'été, telle,
    O toi, fut mon âme de jadis.

    Tu vins cueillir mes lys d'espoir, Belle,
    Mes lys qui saignèrent dans ta main
    Quand se leva la lune nouvelle.

    Amour, sera-ce bientôt demain,
    Demain matin et ses chants de cloches
    EL les oiseaux aux croix du chemin ?

    Pauvre, il...

  • Le lierre noir et la rose églantine
    Défendent les portes du jardin
    Où le soir d'un printemps qui s'obstine
    Est tout d'azur et d'incarnadin.

    Dehors s'éplorent les folles fontaines
    Qui virent mi-mort d'amour l'Enfant
    Venu par les routes incertaines
    Vers ce seuil du rêve triomphant,

    N'ayant connu ni la magique épée
    Que ne rouille pas le...

  • A PAUL VERLAINE.

    I

    Par le jardin royal, en l'arôme des roses,
    La princesse aux yeux pers, soeur nubile des fleurs,
    Erre en pleurs au vouloir de ses rêves moroses :

    Les mille et mille voix du triomphal matin
    Lui murmurent l'amour, et le soleil sommeille
    En ses cheveux épars sur son col enfantin.

    Un jet d'eau dont la gerbe en...