• Souvent, le front posé sur tes genoux, je pleure,
    Plus faible que ton coeur amoureux, faible femme,
    Et ma main qui frémit en recevant tes larmes
    Se dérobe aux baisers de feu dont tu l'effleures.

    " Mais, dis-tu, cher petit enfant, tu m'inquiètes ;
    J'ai peur obscurément de cette peine étrange :
    Quel incurable rêve ignoré des amantes
    L'Infini met-il...

  • Que ton souffle renaisse, Eté des vieilles joies,
    Et ramène l'espoir et son divin cortège,
    Et ravive l'écho de mes pas sur la grève
    Où le vol des corbeaux et des rêves tournoie.

    Car ma jeunesse s'empoussière aux vains grimoires,
    Tant qu'elle sèche et peu à peu se désagrège,
    Et l'automne, duègne ridée et sacrilège,
    Vert-de-grise l'étang de mon âme...

  • Il a plu. Soir de juin. Ecoute,
    Par la fenêtre large ouverte,
    Tomber le reste de l'averse
    De feuille en feuille, goutte à goutte.

    C'est l'heure choisie entre toutes
    Où flotte à travers la campagne
    L'odeur de vanille qu'exhale
    La poussière humide des routes.

    L'hirondelle joyeuse jase.
    Le soleil déclinant se croise
    Avec la...

  • Avant que mon désir douloureux soit comblé
    D'un amour qui l'apaise enfin ou dont je meure,
    Entendrai-je souvent encor la mer du blé
    Bruire aux alentours de ma chère demeure ?

    Trop de fois, taciturne et sombre, et regardant
    Mes chiens souples bondir à travers l'herbe haute,
    J'ai dispersé ton feu stérile, ô coeur ardent,
    A tous les vents du soir qui...

  • Ce soir je reprendrai mon chemin solitaire,
    Dans les champs où la nuit traîne son manteau bleu
    J'irai, respirant l'air que l'herbe en fleur embaume,
    Triste et pressant le pas comme ceux qui vont seuls ;
    Je verrai les hameaux s'endormir sous le chaume,
    Et les amants tresser leurs doigts sous les tilleuls,
    Et les femmes filer encore, et les aïeuls
    Rêver...

  • Ce coeur plaintif, ce coeur d'automne,
    Qui veut l'aimer ?
    Ma belle enfant, on vous le donne
    Pour un baiser.

    Amusez-vous, car je vous vois
    Inoccupée,
    A le briser, comme autrefois
    Votre poupée.

    Ce sera moins long que les roses
    A déchirer,
    Puis vous irez à d'autres choses,
    Et moi pleurer.

  • Entrerai-je, ce soir, Seigneur, dans ta maison,
    Sans craindre que ma chair, vouée aux oeuvres viles,
    Apporte le relent de luxure des villes
    A la candeur des jupes d'ombre en oraison ?

    Je songe à d'autres jupes d'ombre qui sont douces
    Pour endormir l'effroi des poètes malades,
    A des doigts alourdis d'anneaux aux pierres troubles,
    Troubles comme des...

  • L'amour nous fait trembler comme un jeune feuillage,
    Car chacun de nous deux a peur du même instant.
    " Mon bien-aimé, dis-tu très bas, je t'aime tant...
    Laisse... Ferme les yeux... Ne parle pas... Sois sage...

    Je te devine proche au feu de ton visage.
    Ma tempe en fièvre bat contre ton coeur battant.
    Et, le cou dans tes bras, je frissonne en sentant...

  • Venez ce soir, m'amie, à la vesprée ;
    Pendant qu'au bourg on danse la bourrée,
    Vous passerez par la porte du clos,
    Et je vous attendrai sous les bouleaux,
    Près de la source au soleil empourprée.

    Dans la forêt de muguets diaprée,
    Par nos pas surprise fuira l'Orée,
    Et nos voix feront vibrer les échos.
    Venez ce soir,

    Et je vous dirai...

  • Ton image en tous lieux peuple ma solitude.
    Quand c'est l'hiver, la ville et les labeurs d'esprit,
    Elle s'accoude au bout de ma table d'étude,
    Muette, et me sourit.

    A la campagne, au temps où le blé mûr ondule,
    Amis du soir qui tombe et des vastes couchants,
    Elle et moi nous rentrons ensemble au crépuscule
    Par les chemins des champs.

    ...