• Que ferai-je, Morel ? Dis-moi, si tu l'entends,
    Ferai-je encore ici plus longue demeurance,
    Ou si j'irai revoir les campagnes de France,
    Quand les neiges fondront au soleil du printemps ?

    Si je demeure ici, hélas, je perds mon temps
    A me repaître en vain d'une longue espérance :
    Et si je veux ailleurs fonder mon assurance,
    Je fraude mon labeur du loyer...

  • Je me ferai savant en la philosophie,
    En la mathématique et médecine aussi :
    Je me ferai légiste, et d'un plus haut souci
    Apprendrai les secrets de la théologie :

    Du luth et du pinceau j'ébatterai ma vie,
    De l'escrime et du bal. Je discourais ainsi,
    Et me vantais en moi d'apprendre tout ceci,
    Quand je changeai la France au séjour d'Italie.

    O...

  • Qu'heureux tu es, Baïf, heureux, et plus qu'heureux,
    De ne suivre abusé cette aveugle déesse,
    Qui d'un tour inconstant et nous hausse et nous baisse,
    Mais cet aveugle enfant qui nous fait amoureux !

    Tu n'éprouves, Baïf, d'un maître rigoureux
    Le sévère sourcil : mais la douce rudesse
    D'une belle, courtoise et gentille maîtresse,
    Qui fait languir ton...

  • C'était ores, c'était qu'à moi je devais vivre,
    Sans vouloir être plus que cela que je suis,
    Et qu'heureux je devais de ce peu que je puis
    Vivre content du bien de la plume et du livre.

    Mais il n'a plu aux dieux me permettre de suivre
    Ma jeune liberté, ni faire que depuis
    Je vécusse aussi franc de travaux et d'ennuis,
    Comme d'ambition j'étais franc et...

  • Je ne suis pas de ceux qui robent la louange,
    Fraudant indignement les hommes de valeur,
    Ou qui, changeant la noire à la blanche couleur,
    Savent, comme l'on dit, faire d'un diable un ange.

    Je ne fais point valoir, comme un trésor étrange,
    Ce que vantent si haut nos marcadants d'honneur,
    Et si ne cherche point que quelque grand seigneur
    Me baille...

  • De ce qu'on ne voit plus qu'une vague campagne
    Où tout l'orgueil du monde on a vu quelquefois,
    Tu n'en es pas coupable, ô quiconque tu sois
    Que le Tigre et le Nil, Gange et Euphrate baigne :

    Coupables n'en sont pas l'Afrique ni l'Espagne,
    Ni ce peuple qui tient les rivages anglais,
    Ni ce brave soldat qui boit le Rhin gaulois,
    Ni cet autre guerrier,...

  • Ô qu'heureux est celui qui peut passer son âge
    Entre pareils à soi ! et qui sans fiction,
    Sans crainte, sans envie et sans ambition,
    Règne paisiblement en son pauvre ménage !

    Le misérable soin d'acquérir davantage
    Ne tyrannise point sa libre affection,
    Et son plus grand désir, désir sans passion,
    Ne s'étend plus avant que son propre héritage.
    ...

  • Le Breton est savant et sait fort bien écrire
    En français et toscan, en grec et en romain,
    Il est en son parler plaisant et fort humain,
    Il est bon compagnon et dit le mot pour rire.

    Il a bon jugement et sait fort bien élire
    Le blanc d'avec le noir : il est bon écrivain,
    Et pour bien compasser une lettre à la main,
    Il y est excellent autant qu'on...

  • Je vis un fier torrent, dont les flots écumeux
    Rongeaient les fondements d'une vieille ruine :
    Je le vis tout couvert d'une obscure bruine,
    Qui s'élevait par l'air en tourbillons fumeux :

    Dont se formait un corps à sept chefs merveilleux,
    Qui villes et châteaux couvait sous sa poitrine,
    Et semblait dévorer d'une égale rapine
    Les plus doux animaux et les...

  • Qui prêtera la parole
    A la douleur qui m'affole ?
    Qui donnera les accents
    A la plainte qui me guide :
    Et qui lâchera la bride
    A la fureur que je sens ?

    Qui baillera double force
    A mon âme, qui s'efforce
    De soupirer mes douleurs ?
    Et qui fera sur ma face
    D'une larmoyante trace
    Couler deux ruisseaux de pleurs ?...

    Et vous...