• Comme si ses flancs renfermaient une âme,
    Le Vésuve au loin gronde sourdement ;
    Le ciel est zébré de langues de flamme,
    La cendre jaillit du sommet fumant.

    Au pied du volcan la mer fulgurante
    Mugit sur ses bords et sur ses récifs ;
    Dans les frais ravins où s’endort Sorrente,
    Sous les orangers ils restent assis.

    C’est le premier jour que la...

  • Alpes ! forêts, glaciers ruisselants de lumière,
    Sources des grandes eaux où j’ai bu si souvent,
    Sommets ! libres autels où, dans ma foi première,
    J’ai respiré, senti, touché le Dieu vivant ;

    Où la terre a pour moi dénoué sa ceinture,
    Où, dans ses bois obscurs, j’ai rencontré le jour ;
    Où mon cœur s’enivrait, aux bras de la nature,
    D’un mélange sacré...

  • O sereine beauté des cimes couronnées
    Par l’azur qui baignait le front des Pyréncés…

    Depuis que j’erre ainsi, plante déracinée,
    Au gré du vent, du flot, de l’heure ou de l’année,
    Sans jamais espérer de revenir demain, —
    Si propice ou charmant que me fût le chemin, —
    J’avais connu déjà ce déchirement d’...

  • Pardonnez-moi, je veux bien être votre amant,
    Je vous trouve excitante et vous l’êtes, ma chère ;
    Mais je dois avant tout vous parler franchement :
    Pauvre, on réside aux champs où la vie est peu chère.

    Oui, madame, je suis un homme absolument
    Agreste, ancré parmi la ronce et la jachère,
    Je panse de mes mains ma vache et ma jument.
    (Vous feriez, j’en...

  • Comme un bourreau rusé qui tend à sa victime
    L’embûche d’un grief aux détours captieux,
    Je t’accuse, et je mets un art très-précieux
    A te prendre en défaut sur ta pensée intime.

    Défends-toi ! n’as-tu pas mainte arme légitime :
    Ta splendide beauté, les larmes de tes yeux,
    Et ces bras que tu tords en attestant les dieux,
    Et ces baisers qu’hier j’aurais...

  • Pauvres fleurs d’un bouquet de fête,
    Votre fraîcheur, que peu d’instants
    Effaceront, semble mal faite
    Pour promettre d’aimer longtemps !

    Peut-on, sans ironie amère,
    Engager l’avenir lointain,
    Quand on est la rose éphémère
    Ou le liseron d’un matin ?

    Mais dites à la bien-aimée,
    Fleurs frêles aux tendres couleurs,
    Que votre beauté...

  • O la rafraîchissante et consolante idée,
    Mourir ! trouver enfin le silence et la nuit,
    Fermer mes yeux au jour mes oreilles au bruit,
    Vider la coupe noire à ma soif accordée,

    Dormir, oublier ! puis, toute l’éternité,
    Rêver d’amour sans fin, rêver de paix sans lutte,
    Ne plus craindre à mes pieds le piége ni la chute,
    Et poursuivre à loisir l’idéale...

  • N’avoir qu’une pensée et ne pouvoir la dire,
    Souffrir d’un mal unique et n’oser le montrer,
    Et sentir en son cœur les nœuds se resserrer,
    Et voir de devant soi l’espoir qui se retire !

    — Chaque jour vient plus lourd et plus vide s’en va ;
    Comme au soir, sur la plage, après la grande houle
    Le flot de ma jeunesse à petit bruit s’écoule ;
    Le ciel s’est...

  • Oh ! refaire des vers, laisser le rire éclore,
    Retrouver frais et purs les rêves d’autrefois,
    Reprendre ma jeunesse au printemps, à l’aurore,
    Et refleurir soudain avec l’œillet des bois !

    Puis, lorsque sur muon front redressé la ramure
    Jettera son réseau mêlé d’ombre et de jour,
    Que chaque nid aura son hymne ou son murmure,
    Rouvrir soudain mon cœur au...

  • Comment cela se fit !… Eh ! mon Dieu, par hasard !
    En juin, l’autre été, vers minuit, j’allai chez elle,
    Assise au clavecin, elle lisait Mozart ;
    En entrant, je lui dis : « Bonsoir, mademoiselle !… »

    Elle était tout en blanc ainsi qu’une donzelle,
    Ses cheveux, rejetés en arrière et sans art,
    Arrosaient son peignoir ample de filoselle
    Griffé d’une...