• Ô Nuit ! jalouse Nuit, contre moi conjurée,
    Qui renflammes le ciel de nouvelle clarté,
    T'ai-je donc aujourd'hui tant de fois désirée
    Pour être si contraire à ma félicité ?

    Pauvre moi ! je pensais qu'à ta brune rencontre
    Les cieux d'un noir bandeau dussent être voiles
    Mais, comme un jour d'été, claire tu fais ta montre,
    Semant parmi le ciel mille...

  • Un Loup disait que l'on l'avait volé :
    Un Renard, son voisin, d'assez mauvaise vie,
    Pour ce prétendu vol par lui fut appelé.
    Devant le Singe il fut plaidé,
    Non point par Avocats, mais par chaque Partie.
    Thémis n'avait point travaillé,
    De mémoire de Singe, à fait plus embrouillé.
    Le Magistrat suait en son lit de Justice.
    Après qu'on eut bien contesté,...

  • Quand j'aurais en naissant reçu de Calliope
    Les dons qu'à ses Amants cette Muse a promis,
    Je les consacrerais aux mensonges d'Esope :
    Le mensonge et les vers de tout temps sont amis.
    Mais je ne me crois pas si chéri du Parnasse
    Que de savoir orner toutes ces fictions.
    On peut donner du lustre à leurs inventions ;
    On le peut, je l'essaie ; un plus savant le...

  • N'est-ce point sans raison que ces champis désirent
    Etre sur les humains respectés en tous lieux,
    Car ils sont demi-dieux, puisque leurs pères tirent
    Leur louable excrément de substance des Dieux.

    Et si vous adorez un ciboire pour être
    Logis de votre Dieu, vous devez, sans mentir,
    Adorer ou le ventre ou bien le cul d'un Prêtre,
    Quand ce Dieu même y loge...

  • Après ma mort, je te ferai la guerre,
    Et quand mon corps sera remis en terre
    J'en soufflerai la cendre sur tes yeux.
    Et si mon âme est répétée aux Cieux
    Crois sûrement, dame très rigoureuse,
    Je t'enverrai flamme si chaleureuse,
    De traits à feu flamboyant si très fort,
    Que tant vaudrait sentir armes de mort.
    Et si je n'ai les droits de bonne vie...

  • Sèche pièce de bois, triste ordonnance d'os,
    Ventre maigre et fleuri, vieux râtelier du dos,
    Portrait vif de la mort, portrait mort de la vie,
    Fantôme qui paraît sous un masque trompeur,
    Qui fait craindre la crainte, et fait peur à la peur,
    Et détourne l'envie, à la même une envie ;

    Maigre défiguré qui n'a rien que la peau,
    Encores une peau qui n'est...

  • D'où vient cela que l'envieuse rage,
    Qui les coeurs ronge, entreprend de blâmer
    Mes ans oisifs, et les vers un ouvrage
    D'un pauvre esprit et paresseux nommer,

    En m'accusant que je ne suis la trace,
    Étant dispos, de mes nobles aïeux,
    Qui ont conquis par la poudreuse place
    Et par le sang maint loyer vertueux ?

    Ou bien pourquoi me reprend-elle d...

  • Il n'est soin que quand on a faim
    Ne service que d'ennemi,
    Ne mâcher qu'un botel de fain,
    Ne fort guet que d'homme endormi,
    Ne clémence que félonie,
    N'assurance que de peureux,
    Ne foi que d'homme qui renie,
    Ne bien conseillé qu'amoureux.

    Il n'est engendrement qu'en boin
    Ne bon bruit que d'homme banni,
    Ne ris qu'après un coup de poing,...

  • Rencontré soit de bêtes feu jetant
    Que Jason vit, quérant la Toison d'or ;
    Ou transmué d'homme en bête sept ans
    Ainsi que fut Nabugodonosor ;
    Ou perte il ait et guerre aussi vilaine
    Que les Troyens pour la prise d'Hélène ;
    Ou avalé soit avec Tantalus
    Et Proserpine aux infernaux palus ;
    Ou plus que Job soit en grieve souffrance,
    Tenant prison en la...

  • Ô traistres vers, trop traistres contre moy,
    Qui souffle en vous une immortelle vie,
    Vous m'apastez et croissez mon envie,
    Me déguisant tout ce que j'apperçoy.

    Je ne voy rien dedans elle pourquoy
    A l'aimer tant ma rage me convie :
    Mais nonobstant ma pauvre ame asservie
    Ne me la feint telle que je la voy.

    C'est donc par vous, c'est par vous...