• Ô Méditerranée, ô mer tiède, ô mer calme,
    Grand lac que sans effroi traversent les oiseaux,
    Les aiguilles des pins d’Italie & la palme
    Vibrent dans la clarté limpide de tes eaux.

    Tes golfes dentelés ont de divins caprices,
    Ton éclatant rivage a des cailloux d’argent,
    Et la voile latine erre sur tes flots lisses,
    Charmante comme un cygne immobile...

  • Le contour des objets tremble. Le jour recule.
    Les horizons sont plus prochains au crépuscule,
    Et la colline semble un navire qui va…
    Voici l’heure féerique où tout ce qu’on rêva
    D’étrange reparaît tout à coup dans les choses :

    L’arbre noueux se tord en de bizarres poses ;
    Un frisson court. Les bruits ressemblent à des voix ;
    L’horreur sacrée emplit...

  • Tiède du souvenir des occidents vermeils,
    La nuit sur les coteaux palpite immense & bonne.
    Elle est comme la mer : un vent d’aile y frissonne ;
    Leur couleur est semblable & leurs bruits sont pareils.

    Le sein large & profond qui porte les soleils,
    Où le flot incessant des univers rayonne,
    Est indulgent & n’a d’embûches pour personne,
    Et...

  • Nous aimons à rôder sur la place Navone.
    Ah ! le pied n’y bat point l’asphalte monotone,
    Mais un rude pavé, houleux comme une mer.
    Des maraîchers y font leurs tentes tout l’hiver,
    Et les enfants, l’été, s’ébattent dans l’eau bleue,
    Sous le triton qui tient un dauphin par la queue.
    Au beau milieu surgit un chaos où l’on voit
    Dans un antre de pierre un...

  • Une fois j’aperçus, au fond d’un pêle-mêle
    De ronces, de cailloux & de buissons obscurs,
    Une rose pendue au bout d’un rameau frêle,
    Qui se mourait, fanée, à l’angle de deux murs.

    Elle avait fleuri là sans fraîcheur & sans gloire :
    Un peu de rouge à peine égayait sa pâleur,
    Et sa forme indécise, à travers l’ombre noire,
    Reluisait vaguement...

  • Nos coteaux, les plus purs de tous & les plus doux,
    Que, n’eût été la Grèce, auraient choisis les faunes,
    Au bas de leurs sentiers poudrés de sables jaunes
    Ont comme une hydre énorme éparse à leurs genoux.

    La Ville nous fascine, étant moins près de nous,
    Avec ses tours aussi royales que des trônes ;
    Horizontale, bleue & blanche entre les cônes...

  • Un coffret de cuir fauve à l’écusson d’or plat
    Contient les deux flacons de cristal vert & rouge ;
    Dans le fond, par moments, un liquide qui bouge
    Sous l’étui de velours amortit son éclat.

    Ouvrez l’un d’eux. La plus limpide des essences
    Y nage, & fait monter subtilement dans l’air,
    Comme une apothéose, un tableau vague & cher
    Des soirs,...

  • Ahod fut un pasteur opulent dans la plaine.
    Sa femme, un jour d’été, posant sa cruche pleine,
    Se coucha sous un arbre au pays de Béthel,
    Et, s’endormant, elle eut un songe, qui fut tel :

    D’abord il lui sembla qu’elle sortait d’un rêve
    Et qu’Ahod lui disait : « Femme, allons, qu’on se lève.
    Aux marchands de Ségor, l’an dernier, j’ai vendu
    Cent brebis...

  • Il faudrait, pour quitter la ville, un vieux bateau,
    Suivant l’eau lentement, sans voiles & sans rames.
    Sur des nuages blancs aussi blancs que des femmes,
    Le ciel d’été, l’azur étendrait son manteau.

    Serré dans le granit comme dans un étau,
    Le fleuve mord ses bords & glisse en courtes lames ;
    Et la ville aux toits bleus tout pailletés de flammes...

  • Vivant, cet homme était une âme basse & vile :
    Il avait insulté, calomnié, menti,
    Vendu sa conscience & trahi son parti ;
    Ses mains gardaient le sang de la guerre civile.

    Rien n’avait fatigué sa lâcheté servile.
    Le mépris sur son nom s’était apesanti,
    Et, debout sous la honte, il n’avait rien senti.
    Nul ne saluait plus l’infâme par la ville....