• Au visage de mon squelette
    Voici le loup de velours noir,
    Le loup où votre lèvre, un soir.
    Mit des parfums de violette.

    Par cette antithèse toujours
    Je veux me rappeler, madame,
    Le vide aimable de votre âme
    Et la vanité des amours.

    Oh ! je ne me plains pas : la chose
    Est trop connue en vérité ;
    Mais j’ai quelque peu regretté
    ...

  • L’ombre bleuâtre & claire au milieu des allées,
    Comme un long voile plein de taches étoilées,
    Cache à peine la terre & flotte avec douceur ;
    Le soleil, en rayant la légère épaisseur,

    Forme des réseaux d’or où palpitent mes rêves.
    Les frênes aux bourgeons rouges du sang des séves
    Frissonnent. Les bouleaux, à leur feuillage blanc
    Prenant la...

  • Descendu de ce monde aux pays ténébreux,
    Dante vit de l’Enfer les royaumes rebelles,
    Puis, au séjour céleste élevé sur les ailes
    De l’âme, il nous en fit le récit merveilleux.

    Astre aux puissants rayons, il découvrit aux yeux
    Des aveugles humains les choses éternelles,
    Et reçut pour le don de ces lumières belles
    Le prix que trop souvent l’on paye aux...

  • Ce n’est pas seulement de la flamme & de l’air
    Qui montent du foyer en légères fumées,
    Lorsqu’au rayonnement des bûches allumées
    On rêve devant l’âtre où pétille un feu clair.

    Ce n’est pas sous le tas des braises consumées
    Qu’à la fin les chenets s’en vont ensevelis ;
    Si de la cendre grise on remuait les plis,
    Que de choses souvent en seraient...

  • C’est une heure d’angoisse indicible, que l’heure
    Où, las de nos désirs sans cesse démentis,
    Nous voulons, maudissant la vie extérieure,
    Rentrer dans l’idéal d’où nous étions sortis.

    Car, désaccoutumés par notre ingratitude
    Des charmes de l’idée & de l’amour des dieux,
    Nous ne retrouvons plus la sévère habitude
    Des graves sentiments & des...

  • Battu des vents, fouetté des eaux, la face ouverte
    Par la foudre, voué par l’Église à l’Enfer,
    Le Men-Hir des Kimris, sur la lande déserte,
    Comme un géant vaincu, chancelle aux nuits d’hiver.

    Maudit aussi, tordu, mais la tête encor verte,
    Le chêne des Bretons, nouant ses bras de fer,
    De son baiser vaillant soutient l’idole inerte,
    Et se met en...

  • Je veux chanter ma ballade à mon tour !
    O Poésie, ô ma mère mourante,
    Comme tes fils t’aimaient d’un grand amour,
    Dans ce Paris, en Tan mil huit cent trente !
    Pour eux les docks, l’autrichien, la rente.
    Les mots de Bourse étaient du pur hébreu ;
    Enfant divin, plus beau que Richelieu,
    Musset chantait ; Hugo tenait la lyre.
    Jeune, superbe, écouté...

  • Les vieux hôtels qu’avaient respectés les années
    Sous les coups des maçons tombent de toutes parts.
    Ils gisent sur le sol, & leurs débris épars
    Ont l’aspect douloureux des choses ruinées.

    Comme leurs habitants ils ont leurs destinées ;
    Leurs murs, que décoraient les chefs-d’œuvre des arts,
    Près de l’affiche énorme étalent aux regards
    Le sillon...

  • Quand j’aperçus tes yeux pour la première fois,
    Non, je n’aperçus pas une chose charnelle ;
    Et de toi j’attendis cette paix éternelle
    Qui semble un but sacré que dans l’azur je vois.

    De la beauté d’un jour mon âme fuit les lois,
    Vers le libre zénith montant à grands coups d’aile,
    Et, pour mieux embrasser la forme universelle,
    Suit le rhythme infini...

  • Toi qui vis au dedans d’une chair vulnérable,
    En butte à l’ennemi que tu veux protéger,
    Ô pauvre âme, pourquoi rechercher le danger
    Et te rendre toi-même abjecte & misérable ?

    Ayant avec la vie un bail si peu durable,
    Pourquoi parer un corps qui n’est qu’un étranger ?
    De riches ornements à quoi bon surcharger
    Ta fragile demeure assise sur le sable...