• J'aime un petit enfant, et je suis un vieux fou.

    - Grand-père ? - Quoi ? - Je veux m'en aller. - Aller où ?
    - Où je voudrai. - Partons. - Je veux rester, grand-père.
    - Restons. - Grand-père ? - Quoi ? - Pleuvra-t-il ? - Non, j'espère.
    - Je veux qu'il pleuve, moi. - Pourquoi ? - Pour faire un peu
    Pousser mon haricot dans mon jardin. - C'est Dieu
    Qui fait...

  • 15 décembre

    Par l'ennui chassé de ma chambre,
    J'errais le long du boulevard :
    IL faisait un temps de décembre,
    Vent froid, fine pluie et brouillard ;

    Et là je vis, spectacle étrange,
    Échappés du sombre séjour,
    Sous la bruine et dans la fange,
    Passer des spectres en plein jour.

    Pourtant c'est la nuit que les ombres,
    Par...

  • Si tristes les vieux quais bordés d'acacias !
    Pourtant, toi qui passais, tu les apprécias
    Ces vieux quais où tel beau cygne de l'eau changeante
    Entre parfois dans une âme qui s'en argente.
    Si tristes les vieux quais, les eaux pleines d'adieux,
    Inertes comme les bandeaux silencieux
    D'une morte ! les eaux sur qui pleure une cloche,
    Les immobiles eaux sur...

  • Il est une heure exquise à l'approche des soirs,
    Quand le ciel est empli de processions roses
    Qui s'en vont effeuillant des âmes et des roses
    Et balançant dans l'air des parfums d'encensoirs.

    Alors tout s'avivant sous les lueurs décrues
    Du couchant dont s'éteint peu à peu la rougeur,
    Un charme se révèle aux yeux las du songeur :
    Le charme des vieux...

  • L'âme ne frémit plus chez ce vieil instrument ;
    Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre ;
    Relégué du salon, il sommeille dans l'ombre
    Ce misanthrope aigri de son isolement.

    Je me souviens encor des nocturnes sans nombre
    Que me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,
    À ces soirs d'autrefois - passés dans la pénombre,
    Quand Liszt se...

  • Fille du vieux pasteur, qui d'une main agile
    Le soir emplis de lait trente vases d'argile,
    Crains la génisse pourpre, au farouche regard,
    Qui marche toujours seule, et qui paît à l'écart.
    Libre, elle lutte et fuit intraitable et rebelle.
    Tu ne presseras point sa féconde mamelle,
    A moins qu'avec adresse un de ses pieds lié
    Sous un cuir souple et lent ne...

  • L'hiver, les chênes lourds et vieux, les chênes tors,
    Geignant sous la tempête et projetant leurs branches
    Comme de grands bras qui veulent fuir leur corps,
    Mais que tragiquement la chair retient aux hanches,

    Semblent de maux obscurs les mornes recéleurs ;
    Car l'âme des pays du Nord, sombre et sauvage,
    Habite et clame en eux ses nocturnes douleurs
    Et...

  • Dans les bouges fumeux où pendent des jambons,
    Des boudins bruns, des chandelles et des vessies,
    Des grappes de poulets, des grappes de dindons,
    D'énormes chapelets de volailles farcies,
    Tachant de rose et blanc les coins du plafond noir,
    En cercle, autour des mets entassés sur la table,
    Qui saignent, la fourchette au flanc dans un tranchoir,
    Tous ceux...

  • Ces grands monceaux pierreux, ces vieux murs que tu vois
    Furent premièrement le clos d'un lieu champêtre :
    Et ces braves palais, dont le temps s'est fait maître,
    Cassines de pasteurs ont été quelquefois.

    Lors prirent les bergers les ornements des rois,
    Et le dur laboureur de fer arma sa dextre :
    Puis l'annuel pouvoir le plus grand se vit être,
    Et fut...