• Helas ! contez vos jours : les jours qui sont passez
    Sont desja morts pour vous, ceux qui viennent encore
    Mourront tous sur le point de leur naissante Aurore,
    Et moitié de la vie est moitié du decez.

    Ces desirs orgueilleux pesle mesle entassez,
    Ce coeur outrecuidé que vostre bras implore,
    Cest indomptable bras que vostre coeur adore,
    La Mort les...

  • Et quel bien de la Mort ? où la vermine ronge
    Tous ces nerfs, tous ces os ; où l'Ame se depart
    De ceste orde charongne, et se tient à l'escart,
    Et laisse un souvenir de nous comme d'un songe ?

    Ce corps, qui dans la vie en ses grandeurs se plonge,
    Si soudain dans la mort estouffera sa part,
    Et sera ce beau Nom, qui tant partout s'espard,
    Borné de...

  • Tandis que dedans l'air un autre air je respire,
    Et qu'à l'envy du feu j'allume mon desir,
    Que j'enfle contre l'eau les eaux de mon plaisir,
    Et que me colle à Terre un importun martyre,

    Cest air tousjours m'anime, et le desir m'attire,
    Je recerche à monceaux les plaisirs à choisir,
    Mon martyre eslevé me vient encor saisir,
    Et de tous mes travaux le...

  • Mais si mon foible corps (qui comme l'eau s'escoule)
    Et s'affermit encor plus longtemps qu'un plus fort)
    S'avance à tous moments vers le sueil de la mort,
    Et que mal dessus mal dans le tombeau me roule,

    Pourquoy tiendray-je roide à ce vent qui saboule
    Le Sablon de mes jours d'un invincible effort ?
    Faut-il pas resveiller cette Ame qui s'endort,
    De...

  • Il est vrai, mon amour était sujet au change,
    Avant que j'eusse appris d'aimer solidement,
    Mais si je n'eusse vu cet astre consumant,
    Je n'aurais point encor acquis cette louange.

    Ore je vois combien c'est une humeur étrange
    De vivre, mais mourir, parmi le changement,
    Et que l'amour lui-même en gronde tellement
    Qu'il est certain qu'enfin, quoi qu'...

  • Ha ! que j'en voy bien peu songer à ceste mort
    Et si chacun la cerche aux dangers de la guerre !
    Tantost dessus la Mer, tantost dessus la Terre,
    Mais las ! dans son oubli tout le monde s'endort.

    De la Mer, on s'attend à ressurgir au Port,
    Sur la Terre, aux effrois dont l'ennemy s'atterre :
    Bref, chacun pense à vivre, et ce vaisseau de verre
    S'...

  • Si j'avais comme vous, mignardes colombelles,
    Des plumages si beaux sur mon corps attachés,
    On aurait beau tenir mes esprits empêchés
    De l'indomptable fer de cent chaînes nouvelles,

    Sur les ailes du vent je guiderais mes ailes,
    J'irais jusqu'au séjour où mes biens sont cachés,
    Ainsi, voyant de moi ces ennuis arrachés,
    Je ne sentirais plus ces absences...

  • Mon Dieu, que je voudrais que ma main fût oisive,
    Que ma bouche et mes yeux reprissent leur devoir !
    Écrire est peu : c'est plus de parler et de voir,
    De ces deux oeuvres l'une est morte et l'autre vive.

    Quelque beau trait d'amour que notre main écrive,
    Ce sont témoins muets qui n'ont pas le pouvoir
    Ni le semblable poids, que l'oeil pourrait avoir...

  • Vous languissez, mes vers ; les glaçons de l'absence
    Éteignant vos fureurs au point de leur naissance,
    Vous n'entrebattez plus de soupirs votre flanc,
    Vos artères d'esprits, ni vos veines de sang.
    En quoi ! la mort vous tient ? et ce front teint en cendre
    Vous marque les tombeaux où vous allez descendre ?
    Si vous pouviez encor revoir dedans les cieux
    ...

  • Qui sont, qui sont ceux-là, dont le coeur idolâtre
    Se jette aux pieds du Monde, et flatte ses honneurs,
    Et qui sont ces valets, et qui sont ces Seigneurs,
    Et ces âmes d'Ebène, et ces faces d'Albâtre ?

    Ces masques déguisés, dont la troupe folâtre
    S'amuse à caresser je ne sais quels donneurs
    De fumées de Cour, et ces entrepreneurs
    De vaincre encor le Ciel...