• Ongles de feu, cierges ! - Ils s'allument, les soirs,
    Doigts mystiques dressés sur des chandeliers d'or,
    A minces et jaunes flammes, dans un décor
    Et de cartels et de blasons et de draps noirs.

    Ils s'allument dans le silence et les ténèbres,
    Avec le grésil bref et méchant de leur cire,
    Et se moquent - et l'on croirait entendre rire
    Les prières...

  • Et maintenant que sont tombés les hauts feuillages
    Qui tenaient le jardin sous leur ombre abrité,
    On voit, à travers le branchage à nu, monter
    Là-bas, vers l'horizon, les toits des vieux villages.

    Tant que l'été darda sa joie, aucun de nous
    Ne les a vus groupés non loin de notre porte
    Mais aujourd'hui que fleurs et que feuilles sont mortes
    Nous y...

  • Bien que déjà, ce soir
    L'automne
    Laisse aux sentes et aux orées,
    Comme des mains dorées,
    Lentes, les feuilles choir,
    Bien que déjà l'automne,
    Ce soir, avec ses bras de vent,
    Moissonne,
    Sur les rosiers fervents
    Les pétales et leur pâleur,
    Ne laissons rien de nos deux âmes
    Tomber soudain avec ces fleurs.

    Mais tous les deux, autour...

  • Sur la bruyère longue infiniment,
    Voici le vent cornant Novembre ;
    Sur la bruyère, infiniment,
    Voici le vent
    Qui se déchire et se démembre,
    En souffles lourds, battant les bourgs ;
    Voici le vent,
    Le vent sauvage de Novembre.

    Aux puits des fermes,
    Les seaux de fer et les poulies
    Grincent ;
    Aux citernes des fermes.
    Les seaux et...

  • Se regardant avec les yeux cassés de leurs fenêtres
    Et se mirant dans l'eau de poix et de salpêtre
    D'un canal droit, marquant sa barre à l'infini, .
    Face à face, le long des quais d'ombre et de nuit,
    Par à travers les faubourgs lourds
    Et la misère en pleurs de ces faubourgs,
    Ronflent terriblement usine et fabriques.

    Rectangles de granit et monuments de...

  • Au soir tombant, lorsque déjà l'essor
    De la vie agitée et rapace s'affaisse,
    Sous un ciel bas et mou et gonflé d'ombre épaisse,
    Le quartier fauve et noir dresse son vieux décor
    De chair, de sang, de vice et d'or.

    Des commères, blocs de viande tassée et lasse,
    Interpellent, du seuil de portes basses,
    Les gens qui passent ;
    Derrière elles, au fond de...

  • Et qu'importe d'où sont venus ceux qui s'en vont,
    S'ils entendent toujours un cri profond
    Au carrefour des doutes !
    Mon corps est lourd, mon corps est las,
    Je veux rester, je ne peux pas ;
    L'âpre univers est un tissu de routes
    Tramé de vent et de lumière ;
    Mieux vaut partir, sans aboutir,
    Que de s'asseoir, même vainqueur, le soir,
    Devant son oeuvre...

  • Oh ! tes si douces mains et leur lente caresse
    Se nouant à mon cou et glissant sur mon torse
    Quand je te dis, au soir tombant, combien ma force
    S'alourdit, jour à jour, du plomb de ma faiblesse !

    Tu ne veux pas que je devienne ombre et ruine
    Comme ceux qui s'en vont du côté des ténèbres,
    Fût-ce avec un laurier entre leurs mains funèbres
    Et la gloire...

  • Vivons, dans notre amour et notre ardeur,
    Vivons si hardiment nos plus belles pensées
    Qu'elles s'entrelacent harmonisées
    A l'extase suprême et l'entière ferveur,

    Parce qu'en nos âmes pareilles,
    Quelque chose de plus sacré que nous
    Et de plus pur, et de plus grand s'éveille,
    Joignons les mains pour l'adorer à travers nous.

    Il n'importe que...

  • Sous le fuligineux étain d'un ciel d'hiver,
    Le froid gerce le sol des plaines assoupies,
    La neige adhère aux flancs râpés d'un talus vert
    Et par le vide entier grincent des vols de pies.

    Avec leurs fins rameaux en serres de harpies,
    De noirs taillis méchants s'acharnent à griffer,
    Un tas de feuilles d'or pourrissent en charpies ;
    On s'imagine...