• Sur ta rampe, pendant la nuit,
    Je suis cette image accoudée
    Qui regarde la pâle idée
    Faire le tour de ton ennui.

    Je suis pour ta morne veillée,
    Celle en noir habillée,
    Celle aux regards ailleurs
    Dont les yeux brûlent en leurs pleurs
    La hantise des vieux voyages.

    Dites, combien c’est loin de nous, les plages
    Les...

  •  
    J’ai regardé, par la lucarne ouverte, au flanc
    D’un phare abandonné que flagellait la pluie :
    Des trains tumultueux, sous des tunnels de suie,
    Sifflaient, fixés, au loin, par des fanaux en sang.

    Le port immensément enchevêtré de mâts,
    Dormait, huileux et lourd, en ses bassins d’asphalte ;
    Un seul levier, debout sur un bloc de...

  • L’homme du soir de la fatigue
    À regarder s’illimiter la mer,
    Sous ie règne du vent despote et des éclairs,
    Les bras tombants, là-bas, s’est assis sur ma digue.

    Le vêtement des plus beaux rêves,
    L’orgueil des humaines sciences brèves,
    L’ardeur, sans plus aucun sursaut de sève,
    Tombaient, en loques, sur son corps :
    Cet homme...

  •  
    Je suis celui des pourritures grandioses
    Qui s’en revient du pays mou des morts ;
    Celui des Ouests noirs du sort
    Qui te montre, là-bas, comme une apothéose,
    Son île immense, où des guirlandes
    De détritus et de viandes
    Se suspendent,
    Tandis, qu’entre les fleurs somptueuses des soirs,
    S’ouvrent les yeux en disques d’or de...

  • Et me voici d’un grand site de catafalques
    Et d’un minuit soudainement illuminé,
    Où s’inscrivent les vestiges et les décalques
    De la splendeur et de l’effroi — l’halluciné !

    La science s’y darde, en des observatoires
    Lenticulés de verres d’or, qui, vers les feux
    Rouges et monstrueux d’un ciel prodigieux,
    Braquent, depuis quels temps...

  • De part en part,

    À chaque angle, par chaque fente,
    Sous les averses,
    Les glaives nus du vent traversent

    Le corps en pierre de la tour.

    La ville en est épouvantée ;

    Des patrouilles ont fait le tour
    De la grand’place, à la nuitée,
    Pour rencontrer —...

  • Brisez-leur pattes et vertèbres,
    Chassez les rats, les rats.
    Et puis versez du froment noir,
    Le soir,
    Dans les ténèbres.

    Jadis, lorsque mon cœur cassa,
    Une femme le ramassa
    Pour le donner aux rats.

    — Brisez-leur pattes et vertèbres.

    Brisez-leur pattes et vertèbres,
    Chassez les rats, les rats.
    Et puis...

  • Celui qui n’a rien dit
    Est mort, le cœur muet,
    Lorsque la nuit
    Sonnait
    Ses douze coups
    Au cœur des minuits fous.

    — Serrez-le vite en un linceul de paille,
    Les poings noués, et qu’il s’en aille.

    Celui qui n’a rien dit
    M’a pris mon âme et mon esprit.

    Celui qui n’a rien dit
    Est mort, le cœur muet,...

  • Je suis celui qui vaticine
    Comme les tours tocsinnent.

    J’ai vu passer à travers champs
    Trois linceuls blancs
    Qui s’avançaient, comme des gens.

    Ils portaient des torches ignées,
    Des faux blanches et des cognées.

    Peu importe l’homme qu’on soit,
    Moi seul je vois

    Je suis celui qui vaticine
    Comme les tours...

  •  
    Le crapaud noir sur le sol blanc
    Me fixe indubitablement
    Avec des yeux plus grands que n’est grande sa tête ;
    Ce sont les yeux qu’on m’a volés
    Quand mes regards s’en sont allés,
    Un soir, que je tournai la tête.

    Mon frère ? — il est quelqu’un qui ment,
    Avec de la farine entre ses dents ;
    C’est lui, jambes et bras en...