• Le premier arbre de l'allée ?
    - Il est parti, dites, vers où,
    Avec son tronc qui bouge et son feuillage fou
    Et la rage du ciel à ses feuilles mêlée ?

    Les autres arbres ? - L'ont suivi
    Sur double rang, à l'infini ;
    Ils vont là-bas, sans perdre haleine,
    A sa suite, de plaine en plaine ;
    Ils vont là-bas où les conduit
    Sa marche à lui,...

  • Ce n'est qu'un bout de sol dans l'infini du monde.
    Le Nord
    Y déchaîne le vent qui mord.
    Ce n'est qu'un peu de terre avec sa mer au bord
    Et le déroulement de sa dune inféconde.

    Ce n'est qu'un bout de sol étroit,
    Mais qui renferme encore et sa reine et son roi,
    Et l'amour condensé d'un peuple qui les aime.
    Le Nord
    A beau y déchaîner le...

  • La neige tombe, indiscontinûment,
    Comme une lente et longue et pauvre laine,
    Parmi la morne et longue et pauvre plaine,
    Froide d'amour, chaude de haine.

    La neige tombe, infiniment,
    Comme un moment -
    Monotone - dans un moment ;
    La neige choit, la neige tombe,
    Monotone, sur les maisons
    Et les granges et leurs cloisons ;
    La neige tombe et...

  • Par les plaines de mon âme, tournée au Nord,
    Le vieux berger des novembres mornes, il corne,
    Debout, comme un malheur, au seuil du bercail morne,
    Il corne au loin l'appel des brebis de la mort.

    L'étable est faite en moi avec mon vieux remord,
    Au fond de mes pays de tristesse sans borne,
    Par les plaines de mon âme, qu'une viorne,
    Lasse de ses flots...

  • Le printemps jeune et bénévole
    Qui vêt le jardin de beauté
    Elucide nos voix et nos paroles
    Et les trempe dans sa limpidité.

    La brise et les lèvres des feuilles
    Babillent, et lentement effeuillent
    En nous les syllabes de leur clarté.

    Mais le meilleur de nous se gare
    Et fuit les mots matériels ;
    Un simple et doux élan muet
    Mieux...

  • Bien que flasque et geignant et si pauvre ! si morne !
    Si las! Redresse-toi, de toi-même vainqueur ;
    Lève ta volonté qui choit contre la borne
    Et sursaute, debout, rosse à terre, mon c?ur !

    Exaspère sinistrement ta toute exsangue
    Carcasse et pousse au vent, par des chemins rougis
    De sang, ta course ; et flaire et lèche avec ta langue
    Ta plaie, et lutte...

  • Je les ai vus, je les ai vus,
    Ils passaient, par les sentes,
    Avec leurs yeux, comme des fentes,
    Et leurs barbes, comme du chanvre.

    Deux bras de paille,
    Un dos de foin,
    Blessés, troués, disjoints,
    Ils s'en venaient des loins,
    Comme d'une bataille.

    Un chapeau mou sur leur oreille,
    Un habit vert comme l'oseille ;
    Ils étaient deux...

  • Au carrefour des abattoirs et des casernes,
    Il apparaît, foudroyant et vermeil,
    Le sabre en bel éclair dans le soleil.

    Masque d'airain, bicorne d'or ;
    Et l'horizon, là-bas, où le combat se tord,
    Devant ses yeux hallucinés de gloire !

    Un élan fou, un bond brutal
    Jette en avant son geste et son cheval
    Vers la victoire.

    Il est volant...

  • Je suis l'halluciné de la forêt des Nombres,
    Le front fendu, d'avoir buté,
    Obstinément, contre leur fixité.

    Arbres roides dans le sol clair
    Et ramures en sillages d'éclair
    Et fûts comme un faisceau de lances
    Et rocs symétriques dans l'air,
    Blocs de peur et de silence.

    Là-haut, le million épars des diamants
    Et les regards, aux...

  • Dans les bouges fumeux où pendent des jambons,
    Des boudins bruns, des chandelles et des vessies,
    Des grappes de poulets, des grappes de dindons,
    D'énormes chapelets de volailles farcies,
    Tachant de rose et blanc les coins du plafond noir,
    En cercle, autour des mets entassés sur la table,
    Qui saignent, la fourchette au flanc dans un tranchoir,
    Tous ceux...