• En un creux de terrain aussi profond qu'un antre,
    Les étangs s'étalaient dans leur sommeil moiré,
    Et servaient d'abreuvoir au bétail bigarré,
    Qui s'y baignait, le corps dans l'eau jusqu'à mi-ventre.

    Les troupeaux descendaient, par des chemins penchants :
    Vaches à pas très lents, chevaux menés à l'amble,
    Et les boeufs noirs et roux qui souvent, tous...

  • Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.

    Le soir se fait, un soir ami du paysage,
    Où les bateaux, sur le sable du port,
    En attendant le flux prochain, dorment encor.

    Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées,
    An fouet soudain des montantes marées !
    Oh ce regonflement de vie immense et lourd
    Et ces grands flots, oiseaux d'écume,...

  • Les jours de fraîche et tranquillé santé,
    Lorsque la vie est belle ainsi qu'une conquête,
    Le bon travail prend place à mes côtés,
    Comme un ami qu'on fête.

    Il vient des pays doux et rayonnants,
    Avec des mots plus clairs que les rosées,
    Pour y sentir, en les illuminant,
    Nos sentiments et nos pensées.

    Il saisit l'être en un tourbillon fou ;...

  • Les jours d'hiver quand le froid serre
    Le bourg, le clos, le bois, la fange,
    Poteaux de haine et de misère,
    Par l'infini de la campagne,
    Les mendiants ont l'air de fous.

    Dans le matin, lourds de leur nuit,
    Ils s'enfoncent au creux des routes,
    Avec leur pain trempé de pluie
    Et leur chapeau comme la suie
    Et leurs grands dos comme des voûtes...

  • Je t'apporte, ce soir, comme offrande, ma joie
    D'avoir plongé mon corps dans l'or et dans la soie
    Du vent joyeux et franc et du soleil superbe ;
    Mes pieds sont clairs d'avoir marché parmi les herbes,
    Mes mains douces d'avoir touché le coeur des fleurs,
    Mes yeux brillants d'avoir soudain senti les pleurs
    Naître, sourdre et monter, autour de mes prunelles,...

  • Le vieux crapaud de la nuit glauque
    Vers la lune de fiel et d'or,
    C'est lui, là-bas, dans les roseaux,
    La morne bouche à fleur des eaux,
    Qui rauque.

    Là-bas, dans les roseaux,
    Ces yeux immensément ouverts
    Sur les minuits de l'univers,
    C'est lui, dans les roseaux,
    Le vieux crapaud de mes sanglots.

    Quand les taches des...

  • Le sol trempé se gerce aux froidures premières,
    La neige blanche essaime au loin ses duvets blancs,
    Et met, au bord des toits et des chaumes branlants,
    Des coussinets de laine irisés de lumières.

    Passent dans les champs nus les plaintes coutumières,
    A travers le désert des silences dolents,
    Où de grands corbeaux lourds abattent leurs vols lents
    Et...

  • I

    Je voudrais posséder pour dire tes splendeurs,
    Le plain-chant triomphal des vagues sur les sables,
    Ou les poumons géants des vents intarissables ;

    Je voudrais dominer les lourds échos grondeurs,
    Qui jettent, dans la nuit des paroles étranges,
    Pour les faire crier et clamer tes louanges ;

    Je voudrais que la mer tout entière chantât,...

  • Ces hommes de labour, que Greuze affadissait
    Dans les molles couleurs de paysanneries,
    Si proprets dans leur mise et si roses, que c'est
    Motif gai de les voir, parmi les sucreries
    D'un salon Louis-Quinze animer des pastels,
    Les voici noirs, grossiers, bestiaux - ils sont tels.

    Entre eux, ils sont parqués par villages : en somme,
    Les gens des...

  • Deux vieux marins des mer& du Nord
    S'en revenaient, un soir d'automne,
    De la Sicile et de ses îles souveraines,
    Avec un peuple de Sirènes,
    A bord.

    Joyeux d'orgueil, ils regagnaient leur fiord,
    Parmi les brumes mensongères,
    Joyeux d'orgueil, ils regagnaient le Nord
    Sous un vent morne et monotone,
    Un soir de tristesse et d'automne....