• Pour que rien de nous deux n'échappe à notre étreinte,
    Si profonde qu'elle en est sainte
    Et qu'à travers le corps même, l'amour soit clair ;
    Nous descendons ensemble au jardin de la chair.

    Tes seins sont là ainsi que des offrandes,
    Et tes deux mains me sont tendues ;
    Et rien ne vaut la naïve provende
    Des paroles dites et entendues.

    L'ombre...

  • Les complaintes qu'on va chantant par la grand'route
    Avec leurs vieux refrains de banal désespoir,
    Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute,
    Sont plus tristes encor, les dimanches, le soir,
    A l'heure où vont mourir les tons et les lumières.
    Le village, s'endort : la cloche des saluts
    Tinte minablement et tinte ; et les chaumières
    Qu'on ferme, et...

  • C'était un doux pays illuminé de plaines
    Où circulaient de longs troupeaux
    Dont on voyait les laines
    Blanchir les prés et se mirer dans l'eau ;
    C'étaient des champs de fleurs à l'infini :
    Un fleuve y sinuait de chaumière en chaumière ;
    Son cours faisait, au loin, un geste de lumière ;
    C'étaient des lacs, cernés de joncs ; tels de grands nids,
    Où s'...

  • Le jour
    Ils se croisaient dans leur étable et dans leur cour,
    Leurs durs regards obstinément fixés à terre ;
    Et tous les deux, ils s'acharnaient à soigner mieux,
    Elle, ses porcs, et lui, ses boeufs,
    Depuis qu'ils se boudaient, rogues et solitaires.

    Ils s'épiaient du coin de l'oeil, dans leur enclos,
    Avec l'espoir secret de se surprendre en faute...

  • La misère séchant ses loques sur leur dos,
    Aux jours d'automne, un tas de gueux, sortis des bouges,
    Rôdaient dans les brouillards et les prés au repos,
    Que barraient sur fond gris des rangs de hêtres rouges.

    Dans les plaines, où plus ne s'entendait un chant,
    Où les neiges allaient verser leurs avalanches,
    Seules encor, dans l'ombre et le deuil s'...

  • La plaine est morne, avec ses clos, avec ses granges
    Et ses fermes dont les pignons sont vermoulus,
    La plaine est morne et lasse et ne se défend plus,
    La plaine est morne et morte - et la ville la mange.

    Formidables et criminels,
    Les bras des machines diaboliques,
    Fauchant les blés évangéliques,
    Ont effrayé le vieux semeur mélancolique
    Dont...

  • Un silence souffrant pénètre au coeur des choses,
    Les bruits ne remuent plus qu'affaiblis par le soir,
    Et les ombres, quittant les couchants grandioses,
    Descendent, en froc gris, dans les vallons s'asseoir.

    Un grand chemin désert, sans bois et sans chaumières,
    A travers les carrés de seigle et de sainfoin,
    Prolonge en son milieu ses deux noires ornières...

  • Tout ce qui vit autour de nous,
    Sous la douce et fragile lumière,
    Herbes frêles, rameaux tendres, roses trémières,
    Et l'ombre qui les frôle et le vent qui les noue,
    Et les chantants et sautillants oiseaux
    Qui follement s'essaiment,
    Comme des grappes de joyaux
    Dans le soleil,
    Tout ce qui vit au beau jardin vermeil,
    Ingénument, nous aime ;
    Et...

  • Il faut admirer tout pour s'exalter soi-même
    Et se dresser plus haut que ceux qui ont vécu
    De coupable souffrance et de désirs vaincus :
    L'âpre réalité formidable et suprême
    Distille une assez rouge et tonique liqueur
    Pour s'en griser la tête et s'en brûler le coeur.

    Oh clair et pur froment d'où l'on chasse l'ivraie !
    Flamme nette, choisie entre...

  • On m'affirmait :
    " Partout où les cités de vapeurs s'enveloppent,
    Où l'homme dans l'effort s'exalte et se complaît,
    Bat le coeur fraternel d'une plus haute Europe.

    De la Sambre à la Ruhr, de la Ruhr à l'Oural,
    Et d'Allemagne en France et de France en Espagne
    L'ample entente disperse un grand souffle auroral
    Qui va de ville en plaine et de plaine en...