• J'ai regardé, par la lucarne ouverte, au flanc
    D'un phare abandonné que flagellait la pluie :
    Des trains tumultueux, sous des tunnels de suie,
    Sifflaient, toisés de loin par des fanaux de sang.

    Le port, immensément hérissé de grands mâts,
    Dormait, huileux et lourd, en ses bassins d'asphalte ;
    Un seul levier, debout sur un bloc de basalte,
    Serrait...

  • Sur la Ville, dont les désirs flamboient,
    Règnent, sans qu'on les voie,
    Mais évidentes, les idées.

    On les rêve parmi les brumes, accoudées
    En des lointains, là-haut, près des soleils.

    Aubes rouges, midis fumeux, couchants vermeils,
    Dans le tumulte violent des heures,
    Elles demeurent.

    Et la première et la plus vaste, c'est la force...

  • Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
    Mes plus douces pensées,
    Celles que je te dis, celles aussi
    Qui demeurent imprécisées
    Et trop profondes pour les dire.

    Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
    A toute ton âme, mon âme,
    Avec ses pleurs et ses sourires
    Et son baiser.

    Vois-tu, l'aube blanchit le sol, couleur de lie ;
    Des liens d'...

  • Prenant pour guide clair l'astre qu'était son âme,
    A travers des pays d'ouragans et de flammes,
    Il s'en était allé si loin vers l'inconnu
    Que son siècle vieux et chenu,
    Toussant la peur, au vent trop fort de sa pensée,
    L'avait férocement enseveli sous la risée.

    Il en était ainsi, depuis des tas d'années
    Au long des temps échelonnées,
    Quand un matin...

  • Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,
    Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,
    Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,
    La sueur les mouillant et coulant au pétrin.

    Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte,
    Leur gorge remuait dans les corsages pleins.
    Leurs deux poings monstrueux pataugeaient dans la pâte...

  • Pauvres vieilles cités par les plaines perdues,
    Dites de quel grand plan de gloire,
    Vers la vie humble et dérisoire,
    Toutes, vous voilà descendues.

    Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
    Ni ce que disent aux nuées
    Tant de pierres destituées
    De leur ancien et bel orgueil,

    Vos carrefours, vos grand'places et votre port,
    ...

  • S'il était vrai
    Qu'une fleur des jardins ou qu'un arbre des prés
    Pût conserver quelque mémoire
    Des amants d'autrefois qui les ont admirés
    Dans leur fraîcheur ou dans leur gloire
    Notre amour s'en viendrait
    En cette heure du long regret
    Confier à la rose ou dresser dans le chêne
    Sa douceur ou sa force avant la mort prochaine.

    Il...

  • Je noie en tes deux yeux mon âme tout entière
    Et l'élan fou de cette âme éperdue,
    Pour que, plongée en leur douceur et leur prière,
    Plus claire et mieux trempée, elle me soit rendue.

    S'unir pour épurer son être
    Comme deux vitraux d'or en une même abside
    Croisent leurs feux différemment lucides
    Et se pénètrent !

    Je suis parfois si lourd, si...

  • Près du fleuve roulant vers l'horizon ses ors
    Et ses pourpres et ses vagues entre-frappées,
    S'ouvre et rayonne, ainsi qu'un grand faisceau d'épées,
    L'abside ardente avec ses sveltes contreforts.

    La nef allume auprès ses merveilleux décors :
    Ses murailles de fer et de granit drapées,
    Ses verrières d'émaux et de bijoux jaspées
    Et ses cryptes, où sont...

  • Lorsque s'épand sur notre seuil la neige fine
    Au grain diamanté,
    J'entends tes pas venir rôder et s'arrêter
    Dans la chambre voisine.

    Tu retires le clair et fragile miroir
    Du bord de la fenêtre,
    Et ton trousseau de clefs balle au long du tiroir
    De l'armoire de hêtre.

    J'écoute et te voici qui tisonnes le feu
    Et réveilles les braises...