• Autant que moi malade et veule, as-tu goûté
    Quand ton être ployait sous les fièvres brandies,
    Quand tu mâchais l'orviétan des maladies,
    Le coupable conseil de l'inutilité ?

    Et doux soleil qui baise un oeil éteint d'aveugle ?
    Et fleur venue au tard décembral de l'hiver ?
    Et plume d'oiselet soufflée au vent de fer ?
    Et neutre et vide écho vers la taure...

  • A Léon Cladel.

    Le mouchoir sur la nuque et la jupe lâchée,
    Dès l'aube, elle est venue au pacage, de loin ;
    Mais sommeillante encore, elle s'est recouchée,
    Là sous les arbres, dans un coin.

    Aussitôt elle dort, bouche ouverte et ronflante ;
    Le gazon monte, autour du front et des pieds nus ;
    Les bras sont repliés de façon nonchalante,
    Et...

  • Comme des mains
    Coupées,
    Les feuilles choient sur les chemins,
    Les prés et les cépées.

    La vieille au mantelet de cotonnade,
    Capuchon bas jusqu'au menton,
    A sauts menus, sur un bâton,
    Trimballe aux champs sa promenade.

    Taupes, souris, mulots et rats
    Trottent et radotent après ses pas.
    Les troncs et les taillis se parlent ;
    ...

  • Les barques d'or du bel été
    Qui partirent, folles d'espace,
    S'en reviennent mornes et lasses
    Des horizons ensanglantés.

    A coups de rames monotones,
    Elles s'avancent sur les eaux ;
    On les prendrait pour des berceaux
    Où dormiraient des fleurs d'automne.

    Tiges de lys au beau front d'or,
    Toutes vous gisez abattues ;
    Seules, les...

  • Comme des clous, les gros pavés
    Fixent au sol les routes claires :
    Lignes et courbes de lumière
    Qui décorent et divisent les terres
    En ce pays de bois et de champs emblavés.

    Les plus vieilles se souviennent du temps de Rome,
    Quand s'en venaient les Dieux
    Rôder dans les vergers des hommes
    D'autres ont aperçu la fée au manteau bleu
    Qui...

  • Un vent rude soufflait par les azurs cendrés,
    Quand du côté de l'aube, ouverte à l'avalanche,
    L'horizon s'ébranla dans une charge blanche
    Et dans un galop fou de nuages cabrés.

    Le jour entier, jour clair, jour sans pluie et sans brume,
    Les crins sautants, les flancs dorés, la croupe en feu,
    Ils ruèrent leur course à travers l'éther bleu,
    Dans un...

  • Avec les doigts de ma torture
    Gratteurs de mauvaise écriture,
    Maniaque inspecteur de maux,
    J'écris encor des mots, des mots...

    Quant à mon âme, elle est partie.

    Morosement et pour extraire
    L'arrière-faix de ma colère,
    Aigu d'orgueil, crispé d'effort,
    Je râcle en vain mon cerveau mort.

    Quant à mon âme, elle est partie.
    ...

  • Des villages plaintifs et des champs reposés,
    Voici que s'exhalait, dans la paix vespérale,
    Un soupir doucement triste comme le râle
    D'une vierge qui meurt pâle, les yeux baissés,

    Le coeur en joie et tout au ciel déjà tendante.
    Les vents étaient tombés. Seule encor remuait,
    Là-bas, vers le couchant, dans l'air vide et muet,
    Une cloche d'église à d'...

  • Brumes mornes d'hiver, mélancoliquement
    Et douloureusement, roulez sur mes pensées
    Et sur mon coeur vos longs linceuls d'enterrement
    Et de rameaux défunts et de feuilles froissées
    Et livides, tandis qu'au loin, vers l'horizon,
    Sous l'ouatement mouillé de la plaine dormante,
    Parmi les échos sourds et souffreteux, le son
    D'un angelus lassé se perd et se...

  • Près d'un étang désert, où dort une eau brunie,
    Un rai du soir s'accroche au sommet d'un roseau ;
    Un cri s'écoute, un cri désespéré d'oiseau,
    Un cri pauvre et perdu dans la plaine infinie.

    Comme il est faible et frêle et peureux et fluet !
    Et comme avec tristesse il se traîne et s'écoute,
    Et comme il se répète et comme avec la route
    Il s'enfonce...