• Oh ! les heures du soir sous ces climats légers,
    La lumière en est belle et la lune y est douce,
    Et l'ombre souple et claire y répand sur les mousses
    Les mobiles dessins d'un feuillage étranger.

    Oliviers d'Aragon, figuiers de Catalogne,
    Hameaux calmes et blancs sur vos ruisseaux penchés,
    Derniers rayons frôlant les toits et les clochers
    Où s'arrêtait...

  • En ces heures de soir où sous la brume épaisse
    Le ciel voilé s'efface et lentement s'endort,
    Je marche recueilli, mais sans vaine tristesse,
    Sur la terre pleine de morts.

    Je fais sonner mon pas pour qu'encore ils l'entendent
    Et qu'ils songent, en leur sommeil morne et secret,
    A ceux dont la ferveur et la force plus grandes
    Refont le monde qu'ils...

  • Nous avancions, tranquillement, sous les étoiles ;
    La lune oblique errait autour du vaisseau clair,
    Et l'étagement blanc des vergues et des voiles
    Projetait sa grande ombre au large sur la mer.

    La froide pureté de la nuit embrasée
    Scintillait dans l'espace et frissonnait sur l'eau ;
    On voyait circuler la grande Ourse et Persée
    Comme en des cirques d'...

  • Ancres abandonnées sous des hangars maussades,
    Porches de suie et d'ombre où s'engouffrent des voix,
    Pignons crasseux, greniers obscurs, mornes façades
    Et gouttières régulières, au long des toits ;
    Et blocs de fonte et crocs d'acier et cols de grues
    Et puis, au bas des murs, dans les caves, l'écho
    Du pas des chevaux las sur le pavé des rues
    Et des rames en...

  • Oh ces larges beaux jours dont les matins flamboient !
    La terre ardente et fière est plus superbe encor
    Et la vie éveillée est d'un parfum si fort
    Que tout l'être s'en grise et bondit vers la joie.

    Soyez remerciés, mes yeux,
    D'être restés si clairs, sous mon front déjà vieux,
    Pour voir au loin bouger et vibrer la lumière ;
    Et vous, mes mains, de...

  • Et je voudrais aussi ma couronne d'épines
    Et pour chaque pensée, une, rouge, à travers
    Le front, jusqu'au cerveau, jusqu'aux frêles racines
    où se tordent les maux et les rêves forgés
    En moi, par moi. Je la voudrais comme une rage,
    Comme un buisson d'ébène en feu, comme des crins
    D'éclairs et de flammes, peignés de vent sauvage;
    Et ce seraient mes vains et...

  • Et là, ce moine noir, que vêt un froc de deuil,
    Construit, dans sa pensée, un monument d'orgueil.

    Il le bâtit, tout seul, de ses mains taciturnes,
    Durant la veille ardente et les fièvres nocturnes.

    Il le dresse, d'un jet, sur les Crédos béants,
    Comme un phare de pierre au bord des océans,

    Il y scelle sa fougue et son ardeur mystique,
    Et...

  • Sitôt que le soleil dans le matin luisait,
    Comme un éclat vermeil sur un saphir immense,
    Que dans l'air les oiseaux détaillaient leur romance,
    Lu ferme tout entière au travail surgissait.

    Un va-et-vient, mêlé d'appels hâtifs bruissait,
    Et les bêtes de cour, en farfouille, en démence,
    Courant, sautant, volant, mêlaient d'accoutumance,
    Leurs cris et...

  • C'est une troupe de gamins
    Qui porte la virevoltante étoile
    De toile
    Au bout d'un bâton vain.

    Le vieux maître d'école
    Leur a donné congé ;
    L'hiver est blanc, la neige vole,
    Le bord du toit en est frangé.

    Et par les cours, et par les rues,
    Et deux par deux et trois par trois,
    Ils vont chantant avec des voix
    Qui muent,...

  • L'ombre s'installe, avec brutalité ;
    Mais les ciseaux de la lumière,
    Au long des quais, coupent l'obscurité,
    A coups menus, de réverbère en réverbère.

    La gare immense et ses vitraux larges et droits
    Brillent, comme une châsse, en la nuit sourde,
    Tandis que des voiles de suie et d'ombre lourde
    Choient sur les murs trapus et les hautains beffrois....