• J'ai pour voisin et compagnon
    Un vaste et puissant paysage
    Qui change et luit comme un visage
    Devant le seuil de ma maison.

    Je vis chez moi de sa lumière
    Et de son ciel dont les grands vents
    Agenouillent ses bois mouvants
    Avec leur ombre sur la terre.

    Il est gardé par onze tours
    Qui regardent du bout des plaines
    De larges...

  • Sur des marais de gangrène et de fiel
    Des coeurs d'astres troués saignent du fond du ciel.

    Horizon noir et grand bois noir
    Et nuages de désespoir
    Qui circulent en longs voyages
    Du Nord au Sud de ces parages.

    Pays de toits baissés et de chaumes marins
    Où sont allés mes yeux en pèlerins,
    Mes yeux vaincus, mes yeux sans glaives,
    Comme...

  • Le choeur, alors qu'il est sombre et dévotieux,
    Et qu'un recueillement sur les choses s'embrume,
    Conserve encor dans l'air que l'encens bleu parfume
    Comme un frisson épars des hymnes spacieux.

    La gravité des longs versets sentencieux
    Reste debout comme un marteau sur une enclume,
    Et l'antienne du jour, plus blanche que l'écume,
    Remue encor son aile...

  • Le gel durcit les eaux ; le vent blémit les nues.

    A l'orient du pré, dans le sol rêche
    Est là qui monte et grelotte, la bêche
    Lamentable et nue.

    - Fais une croix sur le sol jaune
    Avec ta longue main,
    Toi qui t'en vas, par le chemin -

    La chaumière d'humidité verdâtre
    Et ses deux tilleuls foudroyés
    Et des cendres dans l'âtre...

  • Au clos de notre amour, l'été se continue :
    Un paon d'or, là-bas, traverse une avenue ;
    Des pétales pavoisent
    - Perles, émeraudes, turquoises -
    L'uniforme sommeil des gazons verts
    Nos étangs bleus luisent, couverts
    Du baiser blanc des nénuphars de neige ;
    Aux quinconces, nos groseilliers font des cortèges ;
    Un insecte de prisme irrite un coeur de fleur...

  • Oh ! Les éveils des bourgades sous l'or des branches,
    Où courent la lumière et l'ombre - et les roseaux
    Et les aiguilles d'or des insectes des eaux
    Et les barres des ponts de bois et leurs croix blanches.

    Et le pré plein de fleurs et l'écurie en planches
    Et le bousculement des baquets et des seaux
    Autour de la mangeoire où grouillent les pourceaux,...

  • Ô la splendeur de notre joie
    Tissée en or dans l'air de soie !

    Voici la maison douce et son pignon léger,
    Et le jardin et le verger.

    Voici le banc, sous les pommiers
    D'où s'effeuille le printemps blanc,
    A pétales frôlants et lents.

    Voici des vols de lumineux ramiers
    Planant, ainsi que des présages,
    Dans le ciel clair du paysage...

  • Que tes yeux clairs, tes yeux d'été,
    Me soient, sur terre,
    Les images de la bonté.

    Laissons nos âmes embrasées
    Revêtir d'or chaque flamme de nos pensées.

    Que mes deux mains contre ton coeur
    Te soient, sur terre,
    Les emblèmes de la douceur.

    Vivons pareils à deux prières éperdues
    L'une vers l'autre, à toute heure, tendues.
    ...

  • Vagues d'argent et beau ciel clair
    Le flot sur les grèves se vide.
    Les cinq pêcheurs équestres de Coxyde
    Pèchent nonchalamment, sur le bord de la mer.

    Dans les lueurs et dans les moires
    Des vagues pâles, passent,
    Allant, venant,
    Leurs silhouettes noires
    Les chevaux vieux, les chevaux las,
    Parfois lèvent la tête, et regardent là-bas,
    L'...

  • Pâles, nerveux et seuls, les tragiques malades
    Vivent avec leurs maux. Ils regardent le soir
    Se faire dans leur chambre et grandir les façades.
    Une église près d'eux lève son clocher noir,

    Heure morte, là-bas, quelque part, en province,
    En des quartiers perdus, au fond d'un clos désert,
    Où s'endeuillent les murs et les porches dont grince
    Le gond...