J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
Comme un soleil fané avant qu'il ne fût nuit,
Le jour qu'avec ses bras de plomb, la maladie
M'a lourdement traîné vers son fauteuil d'ennui.
Les fleurs et le jardin m'étaient crainte ou fallace ;
Mes yeux souffraient à voir flamber les midis blancs,
Et mes deux mains, mes mains, semblaient déjà trop lasses...
-
-
Le paysage il a changé - et des gradins,
Mystiquement fermés de haies,
Inaugurent parmi des plants d'ormaies.
Une vert et or enfilade de jardins.
Chaque montée est un espoir
En escalier vers une attente ;
Par les midis chauffés la marche est haletante
Mais le repos attend au bout du soir.
Les ruisselets qui font blanches les fautes
... -
Je rêve une existence en un cloître de fer,
Brûlée au jeûne et sèche et râpée aux cilices,
Où l'on abolirait, en de muets supplices,
Par seule ardeur de l'âme, enfin, toute la chair.
Sauvage horreur de soi si mornement sentie !
Quand notre corps nous boude et que nos nerfs, la nuit,
Jettent sur nos vouloirs leur cagoule d'ennui,
Ou brusquement nous... -
Je suis celui des pourritures grandioses
Qui s'en revient du pays mou des morts ;
Celui des Ouests noirs du sort
Qui te montre, là-bas, comme une apothéose,
Son île immense, où des guirlandes ,
De détritus et de viandes
Se suspendent,
Tandis, qu'entre les fleurs somptueuses des soirs,
S'ouvrent les grands yeux d'or de crapauds noirs.
... -
Mets ta chaise près de la mienne
Et tends les mains vers le foyer
Pour que je voie entre tes doigts
La flamme ancienne
Flamboyer ;
Et regarde le feu
Tranquillement, avec tes yeux
Qui n'ont peur d'aucune lumière
Pour qu'ils me soient encore plus francs
Quand un rayon rapide et fulgurant
Jusques au fond de toi les frappe et les éclaire... -
Comme un torse de pierre et de métal debout
Le monument de l'or dans les ténèbres bout.
Dès que morte est la nuit et que revit le jour,
L'immense et rouge carrefour
D'où s'exalte sa quotidienne bataille
Tressaille.
Des banques s'ouvrent tôt et leurs guichets,
Où l'or se pèse au trébuchet,
Voient affluer - voiles légères - par flottes,... -
Quand le ciel étoilé couvre notre demeure
Nous nous taisons durant des heures
Devant son feu intense et doux
Pour nous sentir, plus fervemment, émus de nous.
Les grands astres d'argent tracent là-haut leur route ;
Sous les flammes et les lueurs
La nuit étend ses profondeurs
Et le calme est si grand que l'océan l'écoute !
Mais qu'importe que... -
Vers son manoir de marbre,
Qui domine les bois,
L'évêque en fer et en orfroi,
Le dimanche, s'en va,
Moment d'éclair et d'or, parmi les lignes d'arbres.
Le ruisseau mire sa monture
Et son pennon de haut en bas,
SI bien qu'il marche, en son voyage,
Avec sa grande image
A ses côtés, sous la ramure,
De pas en pas.
Les bois... -
Dans la clarté plénière et ses rayons soudains
Brûlant, jusques au coeur, les ramures profondes,
Femmes dont les corps nus brillent en ces jardins,
Vous êtes des fragments magnifiques du monde.
Au long des buis ombreux et des hauts escaliers,
Quand vous passez, joyeusement entrelacées,
Votre ronde simule un mouvant espalier
Chargé de fruits pendus... -
Et par le traître écho des horizons plongeurs,
Et par l'antique appel des sybilles lointaines,
Et par les au-delà mystérieux des plaines,
Un soir, se sont sentis hélés, les voyageurs.
Partis !
Les quais étaient électrisés de lunes,
Et le navire, avec ses mâts pavoisés d'or
Et ses mousses d'ébène ornait gaîment son bord ;
Et les vagues...