• Des villages plaintifs et des champs reposés,
    Voici que s'exhalait, dans la paix vespérale,
    Un soupir doucement triste comme le râle
    D'une vierge qui meurt pâle, les yeux baissés,

    Le coeur en joie et tout au ciel déjà tendante.
    Les vents étaient tombés. Seule encor remuait,
    Là-bas, vers le couchant, dans l'air vide et muet,
    Une cloche d'église à d'...

  • Brumes mornes d'hiver, mélancoliquement
    Et douloureusement, roulez sur mes pensées
    Et sur mon coeur vos longs linceuls d'enterrement
    Et de rameaux défunts et de feuilles froissées
    Et livides, tandis qu'au loin, vers l'horizon,
    Sous l'ouatement mouillé de la plaine dormante,
    Parmi les échos sourds et souffreteux, le son
    D'un angelus lassé se perd et se...

  • Près d'un étang désert, où dort une eau brunie,
    Un rai du soir s'accroche au sommet d'un roseau ;
    Un cri s'écoute, un cri désespéré d'oiseau,
    Un cri pauvre et perdu dans la plaine infinie.

    Comme il est faible et frêle et peureux et fluet !
    Et comme avec tristesse il se traîne et s'écoute,
    Et comme il se répète et comme avec la route
    Il s'enfonce...

  • J'ai regardé, par la lucarne ouverte, au flanc
    D'un phare abandonné que flagellait la pluie :
    Des trains tumultueux, sous des tunnels de suie,
    Sifflaient, toisés de loin par des fanaux de sang.

    Le port, immensément hérissé de grands mâts,
    Dormait, huileux et lourd, en ses bassins d'asphalte ;
    Un seul levier, debout sur un bloc de basalte,
    Serrait...

  • Sur la Ville, dont les désirs flamboient,
    Règnent, sans qu'on les voie,
    Mais évidentes, les idées.

    On les rêve parmi les brumes, accoudées
    En des lointains, là-haut, près des soleils.

    Aubes rouges, midis fumeux, couchants vermeils,
    Dans le tumulte violent des heures,
    Elles demeurent.

    Et la première et la plus vaste, c'est la force...

  • Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
    Mes plus douces pensées,
    Celles que je te dis, celles aussi
    Qui demeurent imprécisées
    Et trop profondes pour les dire.

    Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
    A toute ton âme, mon âme,
    Avec ses pleurs et ses sourires
    Et son baiser.

    Vois-tu, l'aube blanchit le sol, couleur de lie ;
    Des liens d'...

  • Prenant pour guide clair l'astre qu'était son âme,
    A travers des pays d'ouragans et de flammes,
    Il s'en était allé si loin vers l'inconnu
    Que son siècle vieux et chenu,
    Toussant la peur, au vent trop fort de sa pensée,
    L'avait férocement enseveli sous la risée.

    Il en était ainsi, depuis des tas d'années
    Au long des temps échelonnées,
    Quand un matin...

  • Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,
    Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,
    Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,
    La sueur les mouillant et coulant au pétrin.

    Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte,
    Leur gorge remuait dans les corsages pleins.
    Leurs deux poings monstrueux pataugeaient dans la pâte...

  • Pauvres vieilles cités par les plaines perdues,
    Dites de quel grand plan de gloire,
    Vers la vie humble et dérisoire,
    Toutes, vous voilà descendues.

    Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
    Ni ce que disent aux nuées
    Tant de pierres destituées
    De leur ancien et bel orgueil,

    Vos carrefours, vos grand'places et votre port,
    ...

  • S'il était vrai
    Qu'une fleur des jardins ou qu'un arbre des prés
    Pût conserver quelque mémoire
    Des amants d'autrefois qui les ont admirés
    Dans leur fraîcheur ou dans leur gloire
    Notre amour s'en viendrait
    En cette heure du long regret
    Confier à la rose ou dresser dans le chêne
    Sa douceur ou sa force avant la mort prochaine.

    Il...