Tout est muet, l'oiseau ne jette plus ses cris.
La morne plaine est blanche au loin sous le ciel gris.
Seuls, les grands corbeaux noirs, qui vont cherchant leurs proies,
Fouillent du bec la neige et tachent sa pâleur.
Voilà qu'à l'horizon s'élève une clameur ;
Elle approche, elle vient, c'est la tribu des oies.
Ainsi qu'un trait lancé, toutes, le cou tendu,...
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Le rêve pour les uns serait d'avoir des ailes,
De monter dans l'espace en poussant de grands cris,
De prendre entre leurs doigts les souples hirondelles,
Et de se perdre, au soir, dans les cieux assombris.
D'autres voudraient pouvoir écraser des poitrines
En refermant dessus leurs deux bras écartés ;
Et, sans ployer des reins, les prenant aux narines,
... -
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
... -
Il semble qu'un soupir, un éternel soupir,
Peuple l'air embaumé d'échos mélancoliques ;
C'est un soupir qui sort de ces brillants portiques
Qu'habitaient autrefois les chants et le plaisir.
Car Venise déjà n'est plus qu'un souvenir.
Elle dort du sommeil des vieilles républiques.
- En vain vous attendez, vagues adriatiques,
Le doge fiancé qui ne... -
... Ce dôme constellé qui sur nos fronts s'étale
Avec ses profondeurs de silence et d'effroi,
Est-ce une oeuvre d'amour ? est-ce l'oeuvre fatale
D'une incompréhensible et redoutable loi ? [...] -
Le soleil, crayonnant par la blanche persienne
Ses infiltrations sur la tenture ancienne,
Pose sur les cils noirs de la brune un rayon
Né d'un trou d'or, comme la nymphe du cocon. [...]
... Le rayon promenant des antennes légères -
Songe de femme nue, étreintes mensongères ! -
Se vautre, boit du miel, bourdonne, abeille d'or,
Sous le nombril fleuri de... -
Des nuages, couleur de marbre,
Volent, à travers le ciel fou ;
" Eh ! la lune, garde à vous ! "
L'espace meugle et se déchire.
Sous l'écorce par les fentes
On écoute pleurer et rire
Les arbres.
" Eh ! la lune, garde à vous ! "
Votre face de cristal blanc
Va choir, morte, parmi l'étang,
Cassée aux angles des vaguettes ;
Les... -
La couronne formidable des rois
En s'appuyant de tout son poids
Sur ce masque de cire
Semblait broyer et mutiler
L'empire.
Le pâle émail des yeux usés
S'était fendu en agonies
Minuscules, mais infinies,
Sous les sourcils décomposés.
Le front avait été l'éclair,
Avant que les pâles années
N'eussent rivé les destinées,
Sur... -
Et pleine d'un bétail magnifique, l'étable,
A main gauche, près des fumiers étagés haut,
Volets fermés, dormait d'un pesant sommeil chaud,
Sous les rayons serrés d'un soleil irritable.
Dans la moite chaleur de la ferme au repos,
Dans la vapeur montant des fumantes litières,
Les boeufs dressaient le roc de leurs croupes altières
Et les vaches... -
A pleine voix - midi s'exaltant au dehors
Et les champs reposant - les nones sont chantées,
Dans un balancement de phrases répétées
Et hantantes, comme un rappel de grands remords.
Et peu à peu les chants prennent de tels essors,
Les antiennes sont sur de tels vols portées
A travers l'ouragan des notes exaltées,
Que tremblent les vitraux, au fond...