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    I

    Silence : c’est la voix qui se traîne, un peu lasse,
    De la dame de mon silence, à très doux pas
    Effeuillant les lis blancs de son teint dans la glace ;
    Convalescente à peine, et qui voit tout là-bas
    Les arbres, les passants, des ponts, une rivière
    Où cheminent de grands nuages de lumière,

    Mais qui, trop faible encore, est prise tout à coup...

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    À Émile Verhaeren.

    Les marins naufragés, debout sur leur radeau
    Que berce et qu’enveloppe un lugubre bruit d’eau,
    Cherchent à l’horizon l’aile blanche des voiles.
    Quand le calme renaît, quand brillent les étoiles
    Comme des lampes d’or sur leur tombeau mouvant,
    Ils espèrent revoir le port au jour levant.
    Vain rêve : le...

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    Ô calme de l’ombre indistincte !
    Ô silence du logis clos !
    Le carillon du beffroi tinte,
    Et ses sons semblent les halos
    Du cadran qui, sur la tour, hante
    Comme un clair de lune qui chante !

    La bûche brûle, opiniâtre :
    Elle s’enflamme, chaque fois
    Que le vent noir souffle sur l’âtre

    Avec un bruit presque de voix ;
    Ô le vent...

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    I

    Le soir descend dans les vitres et les submerge…
    Un rayon y vacille un moment comme un cierge,
    Dernier cierge frileux des vêpres terminées !
    L’ombre déferle ; on ne sait quoi chavire en elles ;
    Les ultimes clartés sont vite éliminées,
    Et c’est comme un sommeil délayant des prunelles.
    Clair-obscur ! Douloureux combat de la Lumière
    Et de...

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    Quand j’entends un amant trahi qui se lamente
    Qui maudit le printemps pour un arbre sans nid,
    Qui trouve l’amour faux puisque fausse est l’amante
    Comme un soleil qu’on voit par un vitrail terni,

    Quand il s’enferme seul, les longs soirs de novembre,
    Brûlant tout : des cheveux, des lettres, des sachets,
    Et que des rais de pluie aux vitres de sa...

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    Faut-il fixer toujours des yeux mélancoliques,
    Tel qu’un prêtre pensif, sur les choses de l’Art,
    Tel qu’un prêtre qui reste agenouillé très tard
    Dans son église froide, à veiller des reliques ?

    Faut-il laisser fleurir les fleurs dans son jardin
    Pour conquérir la gloire à travers les risées ;
    Faut-il laisser passer l’Amour sous ses croisées
    Et...

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    I

    En vain les vitres glauques des vieilles maisons
    Sont un rempart de verre humble qui s’interpose
    Entre la vie en fièvre et la calme âme enclose,
    Elles n’ont qu’embrumé l’appel des horizons.

    Le lointain ciel sans cesse y passe et les aère
    Du prestige de ses beaux voyages tentants ;
    Et les nuages qui sont les robes du temps
    Se reposent...

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    I

    Qui de nous, jeune encore et naïf, n’a connu
    L’inexplicable émoi d’un amour ingénu
    Qui s’éveille au milieu d’un riant paysage ?
    Je le revois toujours le pâle et doux visage
    De celle qui m’aima d’un amour si profond.
    Nous n’avions que vingt ans tous les deux ; c’était au fond
    D’un hameau du pays flamand, presque à l’automne :
    Chaque...

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    Dans un château sombre, au bord d’un étang,
    Par un des derniers beaux jours de l’automne,
    Nous étions groupés en cercle, écoutant
    Monter là rumeur du soir monotone.

    Sur l’étang moiré plein de nénuphars,
    Un jet d’eau vidait l’écrin de ses perles ;
    Le soleil glissait ses rayons blafards
    Dans les rameaux noirs où sifflaient les merles.

    C...

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    Quel orgueil d’être seul à sa fenêtre, tard,
    Près de la lampe amie, à travailler sans trêve,
    Et sur la page blanche où l’on fixe son rêve
    De planter un beau vers tout vibrant, comme un dard

    Quel orgueil d’être seul pendant les soirs magiques
    Quand tout s’est assoupi dans la cité qui dort,
    Et que la Lune seule, avec son masque d’or,
    Promène ses...