• L’HOMME

    Je suis l’esprit, vivant au sein des choses mortes.
    Je sais forger les clefs quand on ferme les portes ;
    Je fais vers le désert reculer le lion ;
    Je m’appelle Bacchus, Noé, Deucalion ;
    ...

  •  
    Nous sommes les proscrits ; nous habitons l’abîme ;
    Nous assistons dans l’ombre au vil bonheur d’un crime ;
    Nous regardons l’esprit vaincu par l’animal,
    Et l’infâme baiser de la fortune au mal ;
    Nous voyons des heureux qui sont des misérables ;
    Nous parlons entre nous des choses vénérables,
    De la liberté morte et du peuple trahi ;
    Nous sommes...

  • Je suis l'esprit, vivant au sein des choses mortes.
    Je sais forger les clefs quand on ferme les portes ;
    Je fais vers le désert reculer le lion ;
    Je m'appelle Bacchus, Noé, Deucalion ;
    Je m'appelle Shakspeare, Annibal, César, Dante ;
    Je suis le conquérant ; je tiens l'épée ardente,
    Et j'entre, épouvantant l'ombre que je poursuis,
    Dans toutes les terreurs...

  • (Et nox facta est, I)

    Depuis quatre mille ans il tombait dans l'abîme.

    Il n'avait pas encor pu saisir une cime,
    Ni lever une fois son front démesuré.
    Il s'enfonçait dans l'ombre et la brume, effaré,
    Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,
    Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes.
    Il tombait foudroyé, morne, silencieux,...

  • (Et nox facta est, VIII)

    Le soleil était là qui mourait dans l'abîme.

    L'astre, au fond du brouillard, sans air qui le ranime,
    Se refroidissait, morne et lentement détruit.
    On voyait sa rondeur sinistre dans la nuit ;
    Et l'on voyait décroître, en ce silence sombre,
    Ses ulcères de feu sous une lèpre d'ombre.
    Charbon d'un monde éteint ! flambeau...

  • Puisque le juste est dans l'abîme,
    Puisqu'on donne le sceptre au crime,
    Puisque tous les droits sont trahis,
    Puisque les plus fiers restent mornes,
    Puisqu'on affiche au coin des bornes
    Le déshonneur de mon pays ;

    Ô République de nos pères,
    Grand Panthéon plein de lumières,
    Dôme d'or dans le libre azur,
    Temple des ombres immortelles,
    ...

  • Millions, millions, et millions d'étoiles !
    Je suis, dans l'ombre affreuse et sous les sacrés voiles,
    La splendide forêt des constellations.
    C'est moi qui suis l'amas des yeux et des rayons,
    L'épaisseur inouïe et morne des lumières,
    Encor tout débordant des effluves premières,
    Mon éclatant abîme est votre source à tous.
    O les astres d'en bas, je suis si loin...