• Au temps que la feille blesme
    Pourrist languissante à bas,
    J'allois esgarant mes pas
    Pensif, honteux de moy mesme,
    Pressant du pois de mon chef
    Mon menton sur ma poitrine,
    Comme abatu de ruine
    Ou d'un horrible meschef.

    Après, je haussois ma veuë,
    Voiant, ce qui me deplaist,
    Gemir la triste forest
    Qui languissoit toute nuë,...

  • A longs filets de sang ce lamentable corps
    Tire du lieu qu'il fuit le lien de son âme,
    Et séparé du coeur qu'il a laissé dehors,
    Dedans les forts liens et aux mains de sa dame,
    Il s'enfuit de sa vie et cherche mille morts.

    Plus les rouges destins arrachent loin du coeur
    Mon estomac pillé, j'épanche mes entrailles
    Par le chemin qui est marqué de ma...

  • Au tribunal d'amour, après mon dernier jour,
    Mon coeur sera porté diffamé de brûlures,
    Il sera exposé, on verra ses blessures,
    Pour connaître qui fit un si étrange tour,

    A la face et aux yeux de la Céleste Cour
    Où se prennent les mains innocentes ou pures ;
    Il saignera sur toi, et complaignant d'injures
    Il demandera justice au juge aveugle Amour...

  • En un petit esquif éperdu, malheureux,
    Exposé à l'horreur de la mer enragée,
    Je disputais le sort de ma vie engagée
    Avec les tourbillons des bises outrageux.

    Tout accourt à ma mort : Orion pluvieux
    Crève un déluge épais, et ma barque chargée
    De flots avec ma vie était mi-submergée
    N'ayant autre secours que mon cri vers les cieux.

    ...

  • ... Mais quoi ! déjà les Cieux s'accordent à pleurer,
    Le soleil s'obscurcit, une amère rosée
    Vient de gouttes de fiel la terre énamourer,
    D'un crêpe noir la lune en gémit déguisée,
    Et tout pour mon amour veut ma mort honorer.

    Au plus haut du midi, des étoiles les feux,
    Voyant que le soleil a perdu sa lumière,
    Jettent sur mon trépas leurs...

  • Mille baisers perdus, mille et mille faveurs,
    Sont autant de bourreaux de ma triste pensée,
    Rien ne la rend malade et ne l'a offensée
    Que le sucre, le ris, le miel et les douceurs.

    Mon coeur est donc contraire à tous les autres coeurs,
    Mon penser est bizarre et mon âme insensée
    Qui fait présente encor' une chose passée,
    Crevant de désespoir le fiel...

  • Nous ferons, ma Diane, un jardin fructueux :
    J'en serai laboureur, vous dame et gardienne.
    Vous donnerez le champ, je fournirai de peine,
    Afin que son honneur soit commun à nous deux.

    Les fleurs dont ce parterre éjouira nos yeux
    Seront vers florissants, leurs sujets sont la graine,
    Mes yeux l'arroseront et seront sa fontaine
    Il aura pour zéphyrs mes...

  • Dans le parc de Thalcy, j'ai dressé deux plançons
    Sur qui le temps faucheur ni l'ennuyeuse estorse*
    Des filles de la nuit jamais n'aura de force,
    Et non plus que mes vers n'éteindra leurs renoms.

    J'ai engravé dessus deux chiffres nourrissons
    D'une ferme union qui, avec leur écorce,
    Prend croissance et vigueur, et avecq'eux s'efforce
    D'accroître l'...

  • A l'éclair violent de ta face divine,
    N'étant qu'homme mortel, ta céleste beauté
    Me fit goûter la mort, la mort et la ruine
    Pour de nouveau venir à l'immortalité.

    Ton feu divin brûla mon essence mortelle,
    Ton céleste m'éprit et me ravit aux Cieux,
    Ton âme était divine et la mienne fut telle :
    Déesse, tu me mis au rang des autres dieux.

    ...

  • Sort inique et cruel ! le triste laboureur
    Qui s'est arné* le dos à suivre sa charrue,
    Qui sans regret semant la semence menue
    Prodigua de son temps l'inutile sueur,

    Car un hiver trop long étouffa son labeur,
    Lui dérobant le ciel par l'épais d'une nue,
    Mille corbeaux pillards saccagent à sa vue
    L'aspic demi pourri, demi sec, demi mort.
    ...