• Rassure-toi : — La Mort est bien le vrai sommeil
    Et l’on peut s’endormir sans craindre le réveil
    Et l’importunité des songes qui nous leurrent ;
    La Mort terrible est douce ; et dit à ceux qui pleurent :
    « Venez, vous oublîrez. » — Elle dit aux vaincus
    Comme nous : — « Venez tous ; vous ne lutterez plus.
    » Venez, dans le lait noir de mes noires mamelles,...

  • Un groupe de serpents, sur l’herbe printanière,
    Se livre avec furie aux amoureux ébats ;
    Quelques traînards, sifflant d’une horrible manière,
    Accourent et, tordus d’un replis de lanière,
    Sous la foule grouillante enfoncent leurs fronts plats.

    Ce ne sont que zigzags dans une masse noire,
    Étreintes, coups de fouet, brusques convulsions,
    C’est un chaos d...

  • Le sourire est en fleur sur les lèvres des belles,
    Dans la saison d’avril et des robes nouvelles. —
    Salut, ô rubans clairs, guimpes et cols brodés,
    Bonnets aériens !… toute la panoplie
    Révélant le bon goût d’une femme accomplie
    Traîne sur les fauteuils. — Les tiroirs sont vidés.

    C’est la fin d’un grand deuil. — La veuve blanche et rose
    Travaille avec...

  • A la voix de Jésus Lazare s’éveilla.
    Livide, il se dressa debout dans les ténèbres ;
    Il sortit tressaillant dans ses langes funèbres,
    Puis, tout droit devant lui, grave et seul s’en alla.

    Seul et grave, il marcha depuis lors dans la ville,
    Comme cherchant quelqu’un qu’il ne retrouvait pas ;
    Et se heurtant partout, à chacun de ses pas,
    Aux choses de la...

  • La blanche Vérité dort au fond d’un grand puits.
    Plus d’un fuit cet abîme ou n’y prend jamais garde ;
    Moi, par un sombre amour, tout seul je m’y hasarde,
    J’y descends à travers la plus noire des nuits.

    Et j’entraîne le câble aussi loin que je puis ;
    Or je l’ai déroulé jusqu’au bout, je regarde,
    Et, les bras étendus, la prunelle hagarde,
    J’oscille sans...

  • Le fossoyeur fut le premier
    Laboureur du monde où nous sommes.
    La mort l’a choisi pour fermier,
    Dans les champs il sème des hommes.

    Il sème. Il ne voit rien venir
    Lorsqu’au printemps poussent les herbes ;
    Il faut des siècles d’avenir
    Pour que germent ces grains superbes.

    Qu’importe ! sa maîtresse est là
    Qui lui met de l’argent en poche....

  • Dans un parc oublié dont le silence amorce
    Les rêveurs, sentinelle ancienne du seuil,
    Le grand arbre muet isole son orgueil,
    Et vers le ciel étend ses branches avec force.

    Son tronc noir se raidit musculeux comme un torse,
    Et son cœur dépouillé ferait un bon cercueil.
    Il a l’air de porter l’empreinte d’un long deuil,
    Et l’âge a sillonné profondément l...

  • Sous les rayons vivants de tes chaudes prunelles
    Le jardin de mon cœur fleurit abondamment,
    Et l’encens de ses fleurs transparentes et belles
    Parfume la splendeur tiède du ciel charmant.

    La fraîcheur des ruisseaux baigne d’un doux murmure
    Le sommeil lent et sourd des bois extasiés :
    Le vent harmonieux bruit sous leur ramure
    Et les gazhels d’Hudhud...

  • Las des pédants de Salamanque
    Et de l’école aux noirs gradins,
    Je vais me faire saltimbanque
    Et vivre avec les baladins.

    Que je couche entre quatre toiles,
    La nuque sur un vieux tambour,
    Mais que la fraîcheur des étoiles
    Baigne mon front brûlé d’amour.

    Je consens à risquer ma tête
    En jonglant avec des couteaux,
    Si le vin, ce but de...

  • Qu’il est inquiet, le mercure !
    — Inquiet autant que mon cœur ! —
    Quand une surface bien pure
    Étale sous lui sa longueur.

    Il hésite, il palpite, il tremble,
    Inquiet, sans but et sans loi.
    Oh ! comme mon cœur lui ressemble
    Lorsque mon cœur est loin de toi.

    Mais quand, épanchant ma tristesse
    Dans le ciel rêveur de tes yeux,
    Je vois l’...