• Le noir château, couvert de chiffres et d’emblèmes
    Et ceint des froides fleurs dormant sur les eaux blêmes,
    En un doux ciel humide effile ses toits bleus.
    Dans le parc, où jadis on vit flotter des fées,
    Les Nymphes, par le lierre en leur marbre étouffées,
    Méditent longuement leurs amours fabuleux.

    Déjà des vieux tilleuls les premières rangées
    Versent...

  • Tout dans l'immuable Nature
    Est miracle aux petits enfants :
    Ils naissent, et leur âme obscure
    Éclôt dans des enchantements.

    Le reflet de cette magie
    Donne à leur regard un rayon.
    Déjà la belle illusion
    Excite leur frêle énergie.

    L'inconnu, l'inconnu divin,
    Les baigne comme une eau profonde;
    On les presse, on leur parle en vain :...

  • Les choses de l’amour ont de profonds secrets.
    L’instinct primordial de l’antique Nature
    Qui mêlait les flancs nus dans le fond des forêts
    Trouble l’épouse encor sous sa riche ceinture ;
    Et, savante en pudeur, attentive à nos lois,
    Elle garde le sang de l’Ève des grands bois.

  • Je sais la vanité de tout désir profane.
    À peine gardons-nous de tes amours défunts,
    Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
    Y laisse d’âme et de parfums.

    Ils n’ont, les plus beaux bras, que des chaînes d’argile,
    Indolentes autour du col le plus aimé ;
    Avant d’...

  • Dans les siècles de foi, surtout dans les derniers,
    La grand’ danse macabre était fréquemment peinte
    Au vélin des missels comme aux murs des charniers.

    Je crois que cette image édifiante & sainte
    Mettait un peu d’espoir au fond du désespoir,
    Et que les pauvres gens la regardaient sans crainte.

    Ce n’est pas que la mort leur fût douce à prévoir ;
    ...

  • La roule est lente, hélas ! de la ville à la mer
    Et la fatigue est prompte et le pain est amer
    A qui le va gagner dans les cités avares.
    Les poissons à présent, plus maigres et plus rares,

    N’appesantissent plus ma nasse et mon filet
    D’où jadis une proie abondante roulait,
    Espoir d’un riche gain, dans ma barque joyeuse.
    Les Dieux n’assistent plus ma...

  • Sous les molles pâleurs qui voilaient en silence
    La falaise, la mer et le sable, dans l’anse
    Les embarcations se réveillaient déjà.
    Du gouffre oriental le soleil émergea
    Et couvrit l’Océan d’une nappe embrasée.
    La dune au loin sourit, ondoyante et rosée.
    On voyait des éclairs aux vitres des maisons.
    Au sommet des coteaux les jeunes frondaisons
    ...

  • Dans la serre vitrée où de rigides plantes,
    Filles d’une jeune île et d’un lointain soleil,
    Sous un ciel toujours gris, sommeillant sans réveil,
    Dressent leurs dards aigus et leurs floraisons lentes,

    Lui, tremblant, secoué par la fièvre et la toux,
    Tordant son triste corps sous des lambeaux de laine,
    Entre ses...

  • Hélas ! celle qui, jeune en la belle saison,
    Causa dans les blés verts une ardente querelle
    Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle,
    La compagne au bon cœur qui bâtit la maison

    Et nourrit les petits aux jours de la moisson,
    Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle.
    C’est en vain qu’elle fuit dans l’...

  • Le fleuve qui, libre et tranquille,
    Traîne ses marnes et ses eaux
    Au milieu des pâles roseaux,
    Presse en ses bras une longue île,

    Qui semble un navire échoué
    Par quelque héroïque aventure,
    Perdant sa forme et sa nature,
    Dormeur à l’oubli dévoué.

    Le cri rauque et le vol des grues
    Percent les...