• L'haleine d'une fleur sauvage,
    En passant tout près de mon coeur,
    Vient de m'emporter au rivage,
    Où naguère aussi j'étais fleur :
    Comme au fond d'un prisme où tout change,
    Où tout se relève à mes yeux,
    Je vois un enfant aux yeux d'ange :
    C'était mon petit amoureux !

    Parfum de sa neuvième année,
    Je respire encor ton pouvoir ;
    Fleur à mon...

  • Et toi ! dors-tu quand la nuit est si belle,
    Quand l'eau me cherche et me fuit comme toi ;
    Quand je te donne un coeur longtemps rebelle ?
    Dors-tu, ma vie ! ou rêves-tu de moi ?

    Démêles-tu, dans ton âme confuse,
    Les doux secrets qui brûlent entre nous ?
    Ces longs secrets dont l'amour nous accuse,
    Viens-tu les rompre en songe à mes genoux ?

    As-...

  • Sans l'oublier, on peut fuir ce qu'on aime.
    On peut bannir son nom de ses discours,
    Et, de l'absence implorant le secours,
    Se dérober à ce maître suprême,
    Sans l'oublier !

    Sans l'oublier, j'ai vu l'eau, dans sa course,
    Porter au loin la vie à d'autres fleurs ;
    Fuyant alors le gazon sans couleurs,
    J'imitai l'eau fuyant loin de la source,
    Sans l...

  • Un moment suffira pour payer une année ;
    Le regret plus longtemps ne peut nourrir mon sort.
    Quoi ! L'amour n'a-t-il pas une heure fortunée
    Pour celle dont, peut-être, il avance la mort ?

    Une heure, une heure, amour ! Une heure sans alarmes,
    Avec lui, loin du monde ! Après ce long tourment,
    Laisse encor se mêler nos regards et nos larmes ;
    Et si c'est...

  • Ouvre ton aile au vent, mon beau ramier sauvage,
    Laisse à mes doigts brisés ton anneau d'esclavage !
    Tu n'as que trop pleuré ton élément, l'amour ;
    Sois heureux comme lui : sauve-toi sans retour !

    Que tu montes la nue, ou que tu rases l'onde,
    Souviens-toi de l'esclave en traversant le monde :
    L'esclave t'affranchit pour te rendre à l'amour ;
    Quitte-moi...

  • Amour, divin rôdeur, glissant entre les âmes,
    Sans te voir de mes yeux, je reconnais tes flammes.
    Inquiets des lueurs qui brûlent dans les airs,
    Tous les regards errants sont pleins de tes éclairs...

    C'est lui ! Sauve qui peut ! Voici venir les larmes !...
    Ce n'est pas tout d'aimer, l'amour porte des armes.
    C'est le roi, c'est le maître, et, pour le désarmer...

  • Maison de la naissance, ô nid, doux coin du monde !
    Ô premier univers où nos pas ont tourné !
    Chambre ou ciel, dont le coeur garde la mappemonde,
    Au fond du temps je vois ton seuil abandonné.
    Je m'en irais aveugle et sans guide à ta porte,
    Toucher le berceau nu qui daigna me nourrir.
    Si je deviens âgée et faible, qu'on m'y porte !
    Je n'y pus vivre enfant, j'y...

  • Jeunesse, adieu ! Car j'ai beau faire,
    J'ai beau t'étreindre et te presser,
    J'ai beau gémir et t'embrasser,
    Nous fuyons en pays contraire.

    Ton souffle tiède est si charmant !
    On est si beau sous ta couronne !
    Tiens ! Ce baiser que je te donne,
    Laisse-le durer un moment.

    Ce long baiser, douce chérie,
    Si c'est notre adieu sans retour,...

  • On est moins seul au fond d'une église déserte :
    De son père inquiet c'est la porte entr'ouverte ;
    Lui qui bénit l'enfant, même après son départ,
    Lui, qui ne dit jamais : "N'entrez plus, c'est trop tard !"

    Moi, j'ai tardé, seigneur, j'ai fui votre colère,
    Comme l'enfant qui tremble à la voix de son père,
    Se dérobe au jardin tout pâle, tout en pleurs,
    ...

  • Ce fut un jour pareil à ce beau jour
    Que, pour tout perdre, incendiait l'amour !

    C'était un jour de charité divine
    Où dans l'air bleu l'éternité chemine ;
    Où dérobée à son poids étouffant
    La terre joue et redevient enfant ;
    C'était partout comme un baiser de mère,
    Long rêve errant dans une heure éphémère ;
    Heure d'oiseaux, de parfums, de soleil,...