• J'ai presque perdu la vue
    A suivre le jeune oiseau
    Qui, du sommet d'un roseau,
    S'est élancé vers la nue.

    S'il ne doit plus revenir,
    Pourquoi m'en ressouvenir ?

    Bouquet vivant d'étincelles,
    Il descendit du soleil
    Eblouissant mon réveil
    Au battement de ses ailes.

    S'il ne doit plus revenir,
    Pourquoi m'en ressouvenir ?
    ...

  • J'eus en ma vie un si beau jour,
    Qu'il éclaire encore mon âme.
    Sur mes nuits il répand sa flamme ;
    Il était tout brillant d'amour,
    Ce jour plus beau qu'un autre jour ;
    Partout, je lui donne un sourire,
    Mêlé de joie et de langueur ;
    C'est encor lui que je respire,
    C'est l'air pur qui nourrit mon coeur.

    Ah ! que je vis dans ses rayons,
    Une...

  • J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
    Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
    Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.

    Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
    Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
    Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;

    La vague en a paru rouge et comme enflammée.
    Ce soir, ma robe...

  • Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
    Plein de plume choisie, et blanc, et fait pour moi !
    Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
    Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !

    Beaucoup, beaucoup d'enfants, pauvres et nus, sans mère,
    Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ;
    Ils ont toujours sommeil, ô destinée amère !...

  • J'irai, j'irai porter ma couronne effeuillée
    Au jardin de mon père où revit toute fleur ;
    J'y répandrai longtemps mon âme agenouillée :
    Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.

    J'irai, j'irai lui dire au moins avec mes larmes :
    " Regardez, j'ai souffert... " Il me regardera,
    Et sous mes jours changés, sous mes pâleurs sans charmes,
    Parce qu'il...

  • À Béranger.

    Jardin si beau devenu sombre,
    Tes fleurs attristent ma raison,
    Qui, semblable au ramier dans l'ombre,
    S'abat au toit de ta prison.
    Mais à rêver j'ai passé l'heure ;
    Vous qui nous épiez d'en bas,
    Ce n'est qu'un pauvre oiseau qui pleure :
    Sentinelle ! Ne tirez pas !

    Au pied des barreaux formidables
    Qui voilent des parents...

  • Toi qui m'as tout repris jusqu'au bonheur d'attendre,
    Tu m'as laissé pourtant l'aliment d'un coeur tendre,
    L'amour ! Et ma mémoire où se nourrit l'amour.
    Je lui dois le passé ; c'est presque ton retour !
    C'est là que tu m'entends, c'est là que je t'adore,
    C'est là que sans fierté je me révèle encore.
    Ma vie est dans ce rêve où tu ne fuis jamais ;
    Il a ta voix...

  • Églantine ! Humble fleur, comme moi solitaire,
    Ne crains pas que sur toi j'ose étendre ma main.
    Sans en être arrachée orne un moment la terre,
    Et comme un doux rayon console mon chemin.
    Quand les tièdes zéphirs s'endorment sous l'ombrage,
    Quand le jour fatigué ferme ses yeux brûlants,
    Quand l'ombre se répand et brunit le feuillage,
    Par ton souffle, vers toi,...

  • Tout ce qu'ont dit les hirondelles
    Sur ce colossal bâtiment,
    C'est que c'était à cause d'elles
    Qu'on élevait un monument.

    Leur nid s'y pose si tranquille,
    Si près des grands chemins du jour,
    Qu'elles ont pris ce champ d'asile
    Pour causer d'affaire, ou d'amour.

    En hâte, à la géante porte,
    Parmi tous ces morts triomphants,
    Sans façon...

  • Il est du moins au-dessus de la terre
    Un champ d'asile où monte la douleur ;
    J'y vais puiser un peu d'eau salutaire
    Qui du passé rafraîchit la couleur.
    Là seulement ma mère encor vivante
    Sans me gronder me console et m'endort ;
    O douce nuit, je suis votre servante :
    Dans votre empire on aime donc encor !

    Non, tout n'est pas orage dans l'orage ;...