• Un soir d'hiver, quand de partout,
    Les corbeaux s'enfuient en déroute,
    Dans un fossé de la grand'route,
    Près d'une borne, n'importe où
    Pleurant avec le vent qui blesse
    Leurs petits corps chétifs et nus,
    Pour souffrir des maux trop connus,
    Les gueux naissent.

    Pour narguer le destin cruel,
    Le Dieu d'en haut qui les protège
    En haut...

  • L'an dernier, je les vis encor
    Le petit frère aimable et rose
    Dans sa tunique à boutons d'or
    Avec sa soeur que la chlorose

    Emportait - oh ! bien doucement -
    Vers la tombe muette et blanche.
    Je les vis en me promenant
    Sur le boulevard, le dimanche

    Suivis de leur père, un monsieur
    A barbiche, un vieux militaire,
    Qui portait la...

  • Dame ! vois-tu les grands blés d'or
    Sous les couchants de Messidor
    Saillir longs et droits de la glèbe.
    Ils ne sont pas encor si longs
    Que les flots de tes cheveux blonds
    Où je cache mon front d'éphèbe.

    Dame ! écoute la voix du vent
    Dont l'aile caresse en rêvant
    Une par une chaque tige.
    Elle est moins vibrante d'émoi
    Que ta...

  • Ben oui, notre amour était mort
    Sous les faux des moissons dernières,
    (La javelle fut son suaire ...)
    Ben oui, notre amour était mort,
    Mais voici que je t'aime encor !

    Pan pan ! pan pan ! à grands coups sourds,
    Comme lorsqu'on cloue une bière,
    J'ai battu les gerbes sur l'aire ;
    Pan pan ! pan pan ! à grands coups sourds
    Sur le cercueil...

  • (Sonnet)

    A ma dame.

    Ton âme avait alors la blancheur des grands lys
    Que berce la chanson des vents rasant la terre ;
    L'Amour était encor pour toi tout un mystère,
    Et la sainte candeur te drapait dans les plis

    De sa robe... Ce fut par les bois reverdis,
    A l'heure où dans le ciel perce la lune austère.
    Je te vis, je t'aimai, je ne pus...

  • Le soir étend sur les grands bois
    Son manteau d'ombre et de mystère ;
    Les vieux menhirs, dans la bruyère
    Qui s'endort, veillent et des voix
    Semblent sortir de chaque pierre.
    L'heure est muette comme aux temps
    Où, dans les forêts souveraines,
    Les vierges blondes et sereines
    Et les druides aux cheveux blancs
    Allaient cueillir le gui des...

  • A mon ami Abel Renault.

    Le soir, quand paraît la première étoile,
    Les coeurs de tous ceux qui sont morts d'amour
    Viennent vers la terre et fendent le voile
    Qui les cache aux yeux des vivants, le jour.
    Alors, dans la nuit brune et fantastique,
    Leur sang meurtri pleut et retombe en pleurs
    Sur l'herbe, troublant la mélancolique
    Chanson de...

  • Sous les étoiles de septembre
    Notre cour a l'air d'une chambre
    Et le pressoir d'un lit ancien ;
    Grisé par l'odeur des vendanges
    Je suis pris d'un désir
    Né du souvenir des païens.

    Couchons ce soir
    Tous les deux, sur le pressoir !
    Dis, faisons cette folie ?...
    Couchons ce soir
    Tous les deux sur le pressoir,
    Margot, Margot, ma...

  • Nous sommes les crève-de-faim
    Les va-nu-pieds du grand chemin
    Ceux qu'on nomme les sans-patrie
    Et qui vont traînant leur boulet
    D'infortunes toute la vie,
    Ceux dont on médit sans pitié
    Et que sans connaître on redoute
    Sur la grand'route.

    Nous sommes nés on ne sait où
    Dans le fossé, un peu partout,
    Nous n'avons ni père, ni mère,...

  • (Chanson)

    Dans ce temps-là, je n'avais rien,
    Rien du tout dans mon escarcelle,
    Et ma lyre était tout mon bien ;
    Dans ce temps-là je n'avais rien
    Que de grands trous à mon pourpoint
    Et le coeur de ma damoiselle.
    Dans ce temps-là je n'avais rien,
    Rien du tout dans mon escarcelle.

    J'allais chanter dans les manoirs
    La geste du...