• Le découragement, la fatigue et l'ennui
    Me saisissent, devant l'implacable puissance
    Des choses ; loi, destin, hasard ou providence,
    Quelqu'un m'écrase, et moi, je ne puis rien sur lui.

    Peut-être les démons de ceux à qui j'ai nui
    Autrefois, quelque part, dans une autre existence,
    Invisibles dans l'air, m'entourent en silence,
    Et du mal que j'ai fait se...

  • Du haut du ciel profond, vers le monde agité,
    S'abaissent les regards des âmes éternelles :
    Elles sentent monter de la terre vers elles
    L'ivresse de la vie et de la volupté ;

    Les effluves d'en bas leur dessèchent les ailes,
    Et, tombant de l'éther et du cercle lacté,
    Elles boivent, avec l'oubli du ciel quitté,
    Le poison du désir dans les coupes mortelles...

  • Je ne voudrais rien des choses possibles ;
    Il n'est rien à mes yeux qui mérite un désir.
    Mon ciel est plus loin que les cieux visibles,
    Et mon coeur est plus mort que le coeur d'un fakir.

    Je ne puis aimer les femmes réelles :
    L'idéal entre nous ouvre ses profondeurs.
    L'abîme infini me sépare d'elles,
    Et j'adore des Dieux qui ne sont pas les leurs....

  • Plus fraîche qu'un parfum d'avril après l'hiver,
    L'espérance bénie arrive et nous enlace,
    La menteuse éternelle, avec son rire clair
    Et ses folles chansons qui s'égrènent dans l'air.

    Mais comme on voit, la nuit, sous le flot noir qui passe
    Glisser les pâles feux des étoiles de mer,
    Tous nos rêves ailés, dans le lugubre espace
    Disparaissent, à l'heure où...

  • La vie appelle à soi la foule haletante
    Des germes animés ; sous le clair firmament
    Ils se pressent, et tous boivent avidement
    À la coupe magique où le désir fermente.

    Ils savent que l'ivresse est courte ; à tout moment
    Retentissent des cris d'horreur et d'épouvante,
    Mais la molle sirène, à la voix caressante,
    Les attire comme un irrésistible aimant....

  • Quand notre dernier rêve est à jamais parti,
    Il est une heure dure à traverser ; c'est l'heure
    Où ceux pour qui la vie est mauvaise ont senti
    Qu'il faut bien qu'à son tour chaque illusion meure.

    Ils se disent alors que la part la meilleure
    Est celle de l'ascète au coeur anéanti,
    Ils cherchent au désert la paix intérieure,
    Mais cette fois encor l'...

  • A Clara.

    Oh ! les yeux adorés ne sont pas ceux qui virent
    Qu'on les aimait, - alors qu'on en mourait tout bas !
    Les rêves les plus doux ne sont pas ceux que firent
    Deux êtres, coeur à coeur et les bras dans les bras !
    Les bonheurs les plus chers à notre âme assouvie
    Ne sont pas ceux qu'on pleure après qu'ils sont partis ;
    Mais les plus beaux...

  • A Armance.

    Eh quoi ! vous vous plaignez, vous aussi, de la vie !
    Vous avez des douleurs, des ennuis, des dégoûts !
    Un dard sans force aux yeux, sur la lèvre une lie,
    Et du mépris au coeur ! - Hélas ! c'est comme nous !
    Lie aux lèvres ? - poison, reste brûlant du verre ;
    Dard aux yeux ? - rapporté mi-brisé des combats ;
    Et dans le coeur mépris ? -...

  • Débouclez-les, vos longs cheveux de soie,
    Passez vos mains sur leurs touffes d'anneaux,
    Qui, réunis, empêchent qu'on ne voie
    Vos longs cils bruns qui font vos yeux si beaux !
    Lissez-les bien, puisque toutes pareilles
    Négligemment deux boucles retombant
    Roulent autour de vos blanches oreilles,
    Comme autrefois, quand vous étiez enfant,
    Quand vos...

  • A Mademoiselle Louise Read.

    Un soir, j'étais debout, auprès d'une fenêtre...
    Contre la vitre en feu j'avais mon front songeur,
    Et je voyais, là-bas, lentement disparaître
    Un soleil embrumé qui mourait sans splendeur !
    C'était un vieux soleil des derniers soirs d'automne,
    Globe d'un rouge épais, de chaleur épuisé,
    Qui ne faisait baisser le regard à...