• Vous êtes un beau ciel d'automne, clair et rose !
    Mais la tristesse en moi monte comme la mer,
    Et laisse, en refluant sur ma lèvre morose
    Le souvenir cuisant de son limon amer.

    - Ta main se glisse en vain sur mon sein qui se pâme ;
    Ce qu'elle cherche, amie, est un lieu saccagé
    Par la griffe et la dent féroce de la femme.
    Ne cherchez plus mon coeur ; les...

  • Mère des jeux latins et des voluptés grecques,
    Lesbos, où les baisers, languissants ou joyeux,
    Chauds comme les soleils, frais comme les pastèques,
    Font l'ornement des nuits et des jours glorieux,
    Mère des jeux latins et des voluptés grecques,

    Lesbos, où les baisers sont comme les cascades
    Qui se jettent sans peur dans les gouffres sans fonds
    Et courent...

  • Sous les ifs noirs qui les abritent,
    Les hiboux se tiennent rangés,
    Ainsi que des dieux étrangers,
    Dardant leur oeil rouge. Ils méditent.

    Sans remuer ils se tiendront
    Jusqu'à l'heure mélancolique
    Où, poussant le soleil oblique,
    Les ténèbres s'établiront.

    Leur attitude au sage enseigne
    Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
    Le tumulte...

  • La tribu prophétique aux prunelles ardentes
    Hier s'est mise en route, emportant ses petits
    Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
    Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

    Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
    Le long des chariots où les leurs sont blottis,
    Promenant sur le ciel des yeux appesantis
    Par le morne regret des...

  • Un ange furieux fond du ciel comme un aigle,
    Du mécréant saisit à plein poing les cheveux,
    Et dit, le secouant : " Tu connaîtras la règle !
    (Car je suis ton bon Ange, entends-tu ?) Je le veux !

    Sache qu'il faut aimer, sans faire la grimace,
    Le pauvre, le méchant, le tortu, l'hébété,
    Pour que tu puisses faire, à Jésus, quand il passe,
    Un tapis triomphal...

  • Ce spectre singulier n'a pour toute toilette,
    Grotesquement campé sur son front de squelette,
    Qu'un diadème affreux sentant le carnaval.
    Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval,
    Fantôme comme lui, rosse apocalyptique
    Qui bave des naseaux comme un épileptique.
    Au travers de l'espace ils s'enfoncent tous deux,

    Et foulent l'infini d'un sabot...

  • Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
    Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
    Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
    Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

    Quand la terre est changée en un cachot humide,
    Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
    S'en va battant les murs de son aile timide
    Et se cognant la...

  • Je te donne ces vers afin que si mon nom
    Aborde heureusement aux époques lointaines,
    Et fait rêver un soir les cervelles humaines,
    Vaisseau favorisé par un grand aquilon,

    Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,
    Fatigue le lecteur ainsi qu'un tympanon,
    Et par un fraternel et mystique chaînon
    Reste comme pendue à mes rimes hautaines ;
    ...

  • A Victor Hugo

    I

    Dans les plis sinueux des vieilles capitales,
    Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements,
    Je guette, obéissant à mes humeurs fatales
    Des êtres singuliers, décrépits et charmants.

    Ces monstres disloqués furent jadis des femmes,
    Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus
    Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des âmes...

  • Avec ses vêtements ondoyants et nacrés,
    Même quand elle marche on croirait qu'elle danse,
    Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés
    Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.

    Comme le sable morne et l'azur des déserts,
    Insensibles tous deux à l'humaine souffrance,
    Comme les longs réseaux de la houle des mers,
    Elle se développe avec...