• C'est une femme belle et de riche encolure,
    Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure.
    Les griffes de l'amour, les poisons du tripot,
    Tout glisse et tout s'émousse au granit de sa peau.
    Elle rit à la mort et nargue la Débauche,
    Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche,
    Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté
    De ce corps ferme et...

  • Je veux, pour composer chastement mes églogues,
    Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,
    Et, voisin des clochers, écouter en rêvant
    Leurs hymnes solennels emportés par le vent.
    Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,
    Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde ;
    Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,
    Et les grands ciels qui font...

  • Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords,
    Qui vit, s'agite et se tortille,
    Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
    Comme du chêne la chenille ?
    Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords ?

    Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane,
    Noierons-nous ce vieil ennemi,
    Destructeur et gourmand comme la courtisane,
    Patient comme...

  • La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
    Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
    Et nous alimentons nos aimables remords,
    Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

    Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
    Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
    Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
    Croyant par de vils pleurs...

  • J'aime le souvenir de ces époques nues,
    Dont Phoebus se plaisait à dorer les statues.
    Alors l'homme et la femme en leur agilité
    Jouissaient sans mensonge et sans anxiété,
    Et, le ciel amoureux leur caressant l'échine,
    Exerçaient la santé de leur noble machine.
    Cybèle alors, fertile en produits généreux,
    Ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux,...

  • A Maxime Du Camp.

    I

    Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
    L'univers est égal à son vaste appétit.
    Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
    Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

    Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
    Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
    Et nous allons, suivant le rythme...

  • Sous une lumière blafarde
    Court, danse et se tord sans raison
    La Vie, impudente et criarde.
    Aussi, sitôt qu'à l'horizon

    La nuit voluptueuse monte,
    Apaisant tout, même la faim,
    Effaçant tout, même la honte,
    Le Poète se dit : " Enfin !

    Mon esprit, comme mes vertèbres,
    Invoque ardemment le repos ;
    Le coeur plein de songes funèbres,...

  • Mon enfant, ma soeur,
    Songe à la douceur
    D'aller là-bas vivre ensemble !
    Aimer à loisir,
    Aimer et mourir
    Au pays qui te ressemble !
    Les soleils mouillés
    De ces ciels brouillés
    Pour mon esprit ont les charmes
    Si mystérieux
    De tes traîtres yeux,
    Brillant à travers leurs larmes.

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme...

  • A J. G. F.

    Je te frapperai sans colère
    Et sans haine, comme un boucher,
    Comme Moïse le rocher !
    Et je ferai de ta paupière,

    Pour abreuver mon Saharah,
    Jaillir les eaux de la souffrance.
    Mon désir gonflé d'espérance
    Sur tes pleurs salés nagera

    Comme un vaisseau qui prend le large,
    Et dans mon coeur qu'ils soûleront...

  • Je veux te raconter, ô molle enchanteresse !
    Les diverses beautés qui parent ta jeunesse ;
    Je veux te peindre ta beauté,
    Où l'enfance s'allie à la maturité.

    Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large,
    Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large,
    Chargé de toile, et va roulant
    Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent.

    Sur ton...